L’épreuve de l’étranger
Numéro 2021-2 Traduire
Antoine Berman
L’épreuve de l’étranger Éditions Gallimard (extraits p. 282 et 283)
Les rapports de la psychanalyse et de la traduction sont fort complexes, et nous n’avons pas la prétention d’en mesurer toute l’ampleur. Il est bien connu que Freud est arrivé en France par des traductions qui tendaient à dénaturer l’essentiel de son inventivité conceptuelle et terminologique.
[…]Mais la psychanalyse entretient sans doute un rapport encore plus profond avec la traduction, dans la mesure où elle interroge le rapport le rapport de l’homme ave le langage, les langues et la langue dite « maternelle » d’une manière fondamentalement différente de celle de la tradition. Interrogation qui s’accompagne d’une réflexion sur l’œuvre et l’écriture appelée, de toute évidence, à bouleverser peu à peu notre vision de celles-ci, et sans doute à contribuer à un tournant de la littérature ; Les quelques remarques encore éparses que l’on peut trouver chez Lacan, O. Mannoni, Abraham et Tork, etc., à propos de la traduction pourraient peut-être, développées, changer elles aussi une certaine conscience de l’acte de traduire et des processus qui s’y jouent – certes au niveau du traducteur lui-même (le traducteur est cet individu qui représente, dans sa pulsion de traduire, toute une communauté dans son rapport avec une autre communauté et ses œuvres), mais également au niveau de ce que nous avons appelé la traduisibilité de l’œuvre. Renan disait :
Une œuvre non traduite n’est publiée qu’à demi.
© Gallimard (avec l’aimable autorisation des Éditions Gallimard).