Freud dans le texte
FREUD DANS LES TEXTES | Numéro 2022-2 Pouvoir des imagos
Sur la dynamique de transfert
Sigmund Freud, OCF.P, XI, p. 107-116.
Le thème, difficilement épuisable, du « transfert » a récemment été traité d’une façon descriptive par W. Stekel dans ce journal. Je voudrais maintenant ajouter ici quelques remarques susceptibles de faire comprendre comment le transfert se produit nécessairement pendant une cure psychanalytique, et comment il parvient à jouer le rôle qu’on lui connaît pendant le traitement.
Rendons-nous bien compte que tout être humain, du fait de l’action conjuguée d’une prédisposition congénitale et d’actions exercées sur lui pendant ses années d’enfance, a acquis une spécificité déterminée dans sa manière de pratiquer sa vie amoureuse, donc dans les conditions d’amour qu’il pose, dans les pulsions qu’il satisfait ainsi, et dans les buts qu’il se fixe[1]. Cela produit pour ainsi dire un cliché (ou même plusieurs), qui est au cours de la vie régulièrement répété, à nouveau imprimé, dans la mesure où les circonstances externes et la nature des objets d’amour accessibles le permettent, cliché qui n’est certainement pas non plus totalement sans modification possible en fonction d’impressions récentes. Or, selon les acquis de notre expérience, seule une part de ces motions déterminant la vie amoureuse a parcouru la totalité du développement psychique ; cette part est tournée vers la réalité, est à la disposition de la personnalité consciente et constitue un morceau de celle-ci. Une autre partie de ces motions libidinales a été arrêtée dans le développement, elle a été tenue à l’écart de la personnalité consciente comme de la réalité, qu’elle n’ait pu se déployer que dans la fantaisie ou qu’elle soit restée entièrement dans l’inconscient, de sorte qu’elle est inconnue à la conscience de la personnalité. Celui dont le besoin d’amour n’est pas satisfait sans reste par la réalité est donc dans l’obligation de se tourner, avec des représentations d’attente libidinales, vers toute personne nouvelle qui entre en scène, et il est tout à fait vraisemblable que les deux portions de sa libido, celle qui est capable de conscience comme celle qui est inconsciente, participent à cetteattitude.
Il est donc totalement normal et compréhensible que l’investissement libidinal de celui qui est partiellement nonsatisfait, investissement maintenu disponible en état d’attente, se tourne aussi vers la personne du médecin : conformément à notre présupposition, cet investissement va s’en tenir à des modèles, partir de l’un des clichés qui sont présents chez la personne concernée ou, comme nous pouvons le dire aussi, il va insérer le médecin dans l’unedes« séries » psychiques que l’individu souffrant s’est formées jusqu’ici. Il correspond bien aux relations réelles existant avec le médecin que l’imago paternelle (selon l’heureuse expression de Jung[2]) devienne déterminante pour cette insertion. Mais le transfert n’est pas lié à ce modèle, il peut aussi s’effectuer d’après l’imago maternelle ou fraternelle, etc. Les particularités du transfert sur le médecin, par lesquelles ce transfert excède la mesure et la nature de ce qui peut sejustifier froidement et rationnellement, deviennent compréhensibles si l’on considère que ce ne sont justement pas les seules représentations d’attente conscientes, mais aussi celles qui sont tenues en réserve ou inconscientes, qui ont instauré ce transfert.
À propos de cette façon d’être du transfert il n’y aurait rien de plus à dire ou à ruminer, si deux points ne restaient ici inexpliqués, qui sont d’un intérêt particulier pour le psychanalyste. Premièrement, nous ne comprenons pas que le transfert chez des personnes névrotiques en analyse prenne une tournure tellement plus intense que chez d’autres non analysées, et deuxièmement, une énigme demeure quant à savoir pourquoi dans l’analyse nous sommes confrontés au transfert comme à la plus forte résistance contre le traitement, alors que nous devons le reconnaître, en dehors de l’analyse, comme porteur de l’action curative, comme condition du succès favorable. Cette expérience est pourtant susceptible d’être confirmée aussi souvent qu’on veut : lorsque les libres associations d’un patient font défaillance[3], à chaque fois le blocage peut être éliminé si on assure au patient qu’il est présentement sous la domination d’une idée incidente ayant à faire avec la personne du médecin ou avec quelque chose qui a rapport à lui. Aussitôt qu’on a donné cet éclaircissement, le blocage se trouve éliminé, ou bien l’on a transformé la situation où il y a défaillance en une situation où les idées incidentes sont tues.
Ce qui semble être à première vue un gigantesque inconvénient méthodologique de la psychanalyse, c’est que le transfert, par ailleurs le levier le plus puissant du succès, se transforme ici en un moyen de la résistance, le plus fort de tous. À y regarder de plus près cependant, au moins le premier des deux problèmes est écarté. Il n’est pas exact que le transfert survienne pendant la psychanalyse de façon plus intense et plus débridée qu’en dehors de celle-ci. On observe dans les établissements où des nerveux sont traités non analytiquement les intensités les plus élevées et les formes les plus indignes d’un transfert allant jusqu’à la sujétion, ainsi qu’une coloration érotique sans la moindre équivoque de celui-ci.Une observatrice aussi subtile que Gabriele Reuter, à une époque où il n’y avait encore guère de psychanalyse, a dépeint cela dans un livre remarquable qui donne du reste les meilleurs aperçus sur l’essence et l’apparition des névroses[4]. Ces caractères du transfert ne sont donc pas à mettre au compte de la psychanalyse, mais à attribuer à la névrose elle-même. Le second problème reste pour le moment non abordé.
C’est ce problème, la question de savoir pourquoi nous sommes confrontés dans la psychanalyse au transfert comme résistance, qu’il nous faut maintenant attaquer. Rendons-nous présente la situation psychologique du transfert : une condition préalable régulière et indispensable de toute entrée dans une maladie psychonévrotique est le processus que Jung a justement qualifié d’introversion de la libido, [5]. C’est-à-dire : la part de libido capable de conscience, tournée vers la réalité, est diminuée, la part détournée de la réalité, inconsciente, qui peut éventuellement alimenter encore quelque peu les fantaisies de la personne mais qui appartient à l’inconscient, cette part-là est augmentée d’autant. La libido s’est engagée (totalement ou en partie) dans la régression et a revivifié les imagines infantiles[6]. La cureanalytique lui emboîte le pas dans cette direction, elle qui se propose de se mettre en quête de la libido, de la rendre à nouveau accessible à la conscience, et finale ment de la mettre au service de la réalité. Quand la recherche analytique tombe sur la libido retirée dans ses cachettes, un combat ne peut qu’éclater ; toutes les forces qui ont causé la régression de la libido s’élèveront sous forme de « résistances » contre le travail, afin de conserver ce nouvel état. Si précisémentl’introversion ou régression de la libido n’avait pas été justifiée par une relation déterminée au monde extérieur (au sens leplus général : par le refusement de la satisfaction), et si, même à ce moment-là, elle n’avait été appropriée, elle n’aurait absolument pas pu se produire. Les résistances ayant cette provenance ne sont pourtant pas les seules, ni même les plus fortes. La libido disponible pour la personnalité avait toujours été soumise à l’attraction des complexes inconscients (plus exactement, des parts de ces complexes ressortissant à l’inconscient) et elle était entrée dans la régression parce que l’attraction de la réalité s’était relâchée. Pour la libérer, il faut maintenant que cette attraction de l’inconscient soitsurmontée, et donc que le refoulement des pulsions inconscientes et de leurs productions, établi dans l’individu depuis lors, soit supprimé. C’est là ce qui donne la part de loin la plus imposante de la résistance, qui va si souvent jusqu’à laisser persister la maladie, même lorsque l’acte de se détourner de la réalité a reperdu la justification qu’il avait eue pour un temps. L’analyse doit mener le combat contre les résistances venant des deux sources. La résistance accompagne letraitement à chaque pas ; chacune des idées incidentes, chaque acte de l’individu traité doit forcément prendre en comptela résistance, et se présente comme un compromis issu des forces visant à la guérison et de celles, indiquées ici, qui s’y opposent.
Si l’on suit maintenant un complexe pathogène depuis sa représentance dans le conscient (qu’elle soit évidente sous forme de symptôme, ou même tout à fait inapparente) jusqu’à sa racine dans l’inconscient, on arrivera bientôt dans une région où la résistance prévaut si nettement que la première idée incidente venue doit forcément la prendre en compte et apparaître comme un compromis entre ses exigences et celles du travail de recherche. Ici, comme l’expérience en témoigne, intervient alors le transfert. Quand quelque chose, quoi que ce soit, issu du matériau du complexe (le contenu du complexe) se prête à être transféré sur la personne du médecin, ce transfert s’instaure, fournissant la première idée incidente et s’annonçant par les indices d’une résistance, par·exemple par un blocage. Nous inférons de cette expérience que si cette idée transférentielle a pénétré jusqu’à la conscience avant toutes les autres possibilités d’idées incidentes, c’est parce qu’elle satisfait aussi la résistance. Un tel processus se répète au cours d’une analyse un nombre incalculable de fois. Sans cesse, lorsqu’on s’approche d’un complexe pathogène, c’est d’abord la part du complexe apte au transfert qui se trouve poussée dans la conscience, et qui est défendue avec la plus grande opiniâtreté[7].
Une fois cette part surmontée, le surmontement des autres constituants du complexe ne fait plus guère de difficultés. Plus une cure analytique dure longtemps et plus le malade a reconnu nettement que des déformations du matériel pathogène n’offrent pas à elles seules une protection contre la mise à découvert, plus il se sert avec conséquence de cette seule sorte de déformation qui lui apporte manifestement les plus grands avantages : la déformation par transfert. Tout cela prend la direction d’une situation dans laquelle finalement tous les conflits doivent être menés à leur terme dans ledomaine du transfert.
Le transfert dans la cure analytique nous apparaît donc d’emblée, encore et toujours, comme l’arme la plus puissante de la résistance, et nous avons le droit d’en conclure que l’intensité et la persévérance du transfert sont un effet et une expression de la résistance. La question du mécanisme du transfert est certes entièrement réglée quand on ramène celui-ci à l’apprêtement de la libido, qui est restée sous l’empire d’imagines infantiles ; on ne réussit cependant à élucider son rôle dans la cure qu’en abordant ses relations avec la résistance.
D’où vient que le transfert se prête de façon si privilégiée à être le moyen de la résistance ? On pourrait penser qu’ici la réponse ne serait pas difficile à donner. Il est bien clair que l’aveu de toute motion de souhait prohibée est rendu particulièrement difficile quand il doit être fait devant la personne même à qui s’adresse la motion. Cette obligation produit des situations qui dans la réalité effective apparaissent comme à peine négociables. Or c’est précisément cela que veut atteindre l’analysé, quand il fait coïncider l’objet de ses motions de sentiment avec le médecin. Une réflexion plus poussée montre toutefois que ce gain apparent ne peut fournir la solution du problème. Une relation d’attachement tendre et plein d’abandon peut bien au demeurant aider à franchir toutes les difficultés de l’aveu. On a bien coutume de dire dans des circonstances réelles analogues : devant toi je n’ai pas honte, à toi je peux tout dire. Le transfert sur le médecin pourrait donc tout aussi bien servir à faciliter l’aveu, et l’on ne comprendrait pas pourquoi il rend l’aveu difficile.
La réponse à cette question ici répétée ne viendra pas d’une réflexion supplémentaire, mais sera donnée par l’expérience que l’on fait en examinant chacune des résistances de transfert dans la cure. On remarque finalement que l’on ne peut comprendre l’utilisation du transfert comme résistance aussi longtemps qu’on pense simplement « transfert ». Il faut se décider à séparer un transfert « positif » d’un transfert « négatif », le transfert de sentiments tendres de celui desentiments hostiles, et à traiter séparément les deux sortes de transfert sur le médecin. De plus, le transfert positif se décompose encore en celui des sentiments amicaux ou tendres qui sont capables de conscience, et en celui de leurs prolongements dans l’inconscient. S’agissant de ces derniers, l’analyse met en évidence qu’ils renvoient régulièrement à des sources érotiques, si bien que nous devons en arriver à cette idée que toutes les relations de sentiment qui peuvent avoir cours dans notre vie – sympathie, amitié, confiance, etc. – sont génétiquement rattachées à la sexualité et se sont développées, par affaiblissement du but sexuel, à partir de désirs purement sexuels, quelque pures et non sensuelles qu’elles puissent se présenter à notre autoperception consciente. À l’origine, nous n’avons connu que des objets sexuels ; la psychanalyse nous montre que les personnes de notre réalité qui sont simplement estimées ou vénérées peuvent être pour l’inconscient en nous, encore et toujours, des objets sexuels.
La solution de l’énigme est donc que le transfert sur le médecin ne se prête à la résistance dans la cure que dans la mesure où il est un transfert négatif, ou un transfert positif de motions érotiques refoulées. Quand, par le fait de le rendre conscient, nous « supprimons » le transfert, nous ne faisons que détacher de la personne du médecin ces deux composantes de l’acte de sentiment ; l’autre composante, capable de conscience et non choquante, subsiste et elle est pour la psychanalyse, tout autant que dans d’autres méthodes de traitement, le porteur du succès. Dans cette mesure nous admettons volontiers que les résultats de la psychanalyse reposaient sur la suggestion ; à condition toutefois d’entendre par suggestion ce que nous y trouvons avec Ferenczi[8] : l’influence exercée sur un être humain au moyen des phénomènes de transfert qui sont chez lui possibles. Nous veillons à l’autonomie finale du malade en utilisant la suggestion pour lui faire effectuer un travail psychique qui a pour conséquence nécessaire une amélioration durable de sa situation psychique.
On peut encore demander pourquoi les phénomènes de résistance du transfert ne viennent à apparaître que dans la psychanalyse, mais pas lors d’un traitement quelconque, par ex. dans les établissements de soins. Voici la réponse : ils se rencontrent là aussi, seulement il faut qu’ils soient pris en compte comme tels. Le surgissement du transfert négatif est même très fréquent dans les établissements. Le malade quitte justement l’établissement dans un état inchangé ou de rechute, dès qu’il tombe sous la domination du transfert négatif. Le transfert érotique n’a pas une action aussi inhibante dans les établissements, car là comme dans la vie il est enjolivé, au lieu d’être mis à découvert ; il se manifeste cependant tout à fait nettement comme résistance contre la guérison, certes pas en poussant le malade hors de l’établissement – au contraire il le retient dans l’établissement – mais bien en ceci qu’il le tient éloigné de la vie. Pour la guérison il est à vrai dire tout à fait indifférent que le malade surmonte dans l’établissement telle ou telle angoisse, telle ou telle inhibition ; ce qui importe plutôt, c’est qu’il en soit libéré aussi dans la réalité de sa vie.
Le transfert négatif mériterait une prise en compte approfondie qui ne peut lui être accordée dans le cadre de ces développements. Dans les formes curables de psychonévroses, il se trouve à côté du transfert tendre souvent dirigé simultanément sur la même personne, un état de choses pour lequel Bleuler a a forgé le bon terme d’ambivalence. Une telle ambivalence des sentiments semble normale jusqu’à un certain taux, mais un haut degré d’ambivalence des sentiments est certainement une marque particulière des personnes névrosées. Dans la névrose de contrainte, une précoce« séparation au sein des couples d’opposés » semble être caractéristique de la vie pulsionnelle et semble représenter l’une de ses conditions constitutionnelles. C’est l’ambivalence des orientations de sentiment qui nous explique le mieux la capacité des névrosés à mettre leurs transferts au service de la résistance. Là où la capacité de transfert est devenue pour l’essentiel négative, comme chez les paranoïdes, la possibilité d’influencement et de guérison prend fin.
Dans toutes ces discussions toutefois, nous n’avons jusqu’à présent pris en compte qu’un seul côté du phénomène de transfert ; il convient de tourner notre attention vers un autre aspect de la même chose. Celui qui s’est fait une exacte impression de la façon dont l’analysé se trouve expulsé de ses relations réelles au médecin, dès qu’il tombe sous la domination d’une résistance de transfert extensive, de la façon dont il s’octroie alors la liberté de négliger la règle fondamentale psychanalytique, selon laquelle on doit communiquer sans critique tout ce qui vous vient à l’esprit, de lafaçon dont il oublie les résolutions avec lesquelles il était entré dans le traitement, et de la façon dont les corrélations et conclusions logiques qui lui avaient fait peu de temps auparavant la plus grande impression lui deviennent à présent indifférentes – celui-là aura besoin de s’expliquer cette impression par d’autres facteurs encore que ceux jusque-là mentionnés, et ces facteurs ne sont pas en fait à chercher bien loin ; ils résultent à nouveau de la situation psychologique dans laquelle la cure a placé l’analysé.
En cherchant à la trace la libido qui a échappé au conscient, on s’est introduit dans le domaine de l’inconscient. Les réactions que l’on obtient amènent alors au jour certains des caractères des processus inconscients, tels que nous avons appris à les connaître par l’étude des rêves. Les motions inconscientes ne veulent pas être remémorées comme la cure le souhaite, mais aspirent à se reproduire, conformément à l’atemporalité et à la capacité hallucinatoire de l’inconscient. Tout comme dans le rêve, le malade attribue aux résultats de l’éveil de ses motions inconscientes existence au présent et réalité ; il veut agir ses passions, sans tenir compte de la situation réelle. Le médecin veut l’obliger à intégrer ces motions de sentiment dans le contexte du traitement et dans celui de son histoire de vie, à les soumettre à la considération de la pensée et à les reconnaître en fonction de leur valeur psychique. Ce combat entre médecin et patient, entre intellect et vie pulsionnelle, entre connaître et vouloir-agir, se joue presque exclusivement sur les phénomènes de transfert. C’est sur ce terrain que doit être remportée la victoire, dont l’expression est le fait d’être guéri de la névrose de façon durable. Il est indéniable que soumettre à contrainte les phénomènes de transfert comporte pour le psychanalyste les plus grandes difficultés, mais on ne saurait oublier que ce sont justement ces phénomènes qui nous procurent l’inestimable service de rendre actuelles et manifestes chez les malades les motions d’amour cachées et oubliées, car finalement nul ne peut être abattu in absentia ou in effigie[9].
[1]Gardons-nous sur ce point contre le reproche, basé sur un malentendu, selon lequel nous aurions dénié la significativité des facteurs innés (constitutionnels), parce que nous avons fait ressortir les impressions infantiles. Un tel reproche est issu de l’étroitesse du besoin de causalité des hommes, besoin qui, en opposition avec la configuration habituelle de la réalité, veut se contenter d’un unique facteur causal. La psychanalyse s’est exprimée beaucoup sur les facteurs accidentels de l’étiologie, peu sur les facteurs constitutionnels, mais seulement parce qu’au sujet des premiers elle pouvait apporter quelque chose de nouveau, et qu’en revanche sur les derniers elle n’en savait tout simplement pas plus que ce qu’on sait d’ordinaire. Nous nous refusons à décréter une opposition de principe entre les séries de facteurs étiologiques ; nous faisons plutôt l’hypothèse d’une action conjuguée régulière des deux séries pour la production de l’effet observé. Démon et hasard déterminent le destin d’un être humain – rarement, peut-être jamais, une de ces puissances ne le fait à elle seule. Le partage de l’efficience étiologique entre les deux ne pourra être effectué qu’individuellement et dans le détail. La série dans laquelle les grandeurs changeantes des deux facteurs se combinent aura certainement aussi ses cas extrêmes. En fonction de l’état de nos connaissances, nous apprécierons différemment la part de la constitution ou de l’expérience de vie dans un cas individuel, et nous conserverons le droit de modifier notre jugement avec le changement de nos vues. Au surplus, on pourrait se risquer à concevoir la constitution elle-même comme le précipité des actions accidentelles exercées sur la série infiniment grande des ancêtres.
[2] Symboles et transformations de la libido [« Symbole und Wandlungen der Libido »], Jahrbuch für Psychoanalyse, [1912] III, p. 16. 4.
[3] Je veux dire : quand elles font effectivement défaut, et non pas quand, éventuellement par suite d’un banal sentiment de déplaisir, elles sont tues par lui.
[4] De bonne famille, 1895. Récit des souffrances d’une jeune fille, Berlin, S. Fischer.]
[5] Même si bien des déclarations de Jung donnent l’impression qu’il voit dans cette introversion psychique quelque chose qui est caractéristique de la dementia praecox et qui n’entrerait pas pareillement en ligne de compte dans les autres névroses.
[6] Il serait commode de dire : elle a réinvesti les « complexes » infantiles. Mais cela serait inexact ; le seul énoncé qu’on puisse justifier serait : les partsinconscientes de ces complexes. – L’extraordinaire enchevêtrement du thème traité dans ce travail conduit à la tentation d’aborder un certain nombre de problèmes contigus, dont la clarification serait véritablement requise avant que l’on puisse parler en termes non ambigus des processus psychiques qu’il faut ici décrire. Ces problèmes sont : la délimitation réciproque de l’introversion et de la régression, l’insertion de la doctrine du complexe dans la théorie de la libido, les relations de l’activité de fantaisie avec le conscient et l’inconscient ainsi qu’avec la réalité, etc. Je n’ai pas à me justifier d’avoir résisté ici à ces tentations.
[7] Cela ne permet cependant pas d’en inférer en général que l’élément choisi pour la résistance de transfert a une significativité pathogène particulière. Lorsque dans une bataille on se dispute avec un acharnement particulier la possession de certaine petite église ou d’une ferme isolée, il n’y a pas lieu de supposer que l’église est en quoi que ce soit un sanctuaire national, ou que la maison abrite le trésor de l’armée. La valeur des objets peut être purement tactique et n’entrer peut-être en ligne de compte que dans cette seule bataille.
[8] Ferenczi, Introjection et transfert [« lntrojektion und Übertragung »), Jahrbuch für Psychoanalyse, vol. l, 1909 [p. 422-457].
[9] En son absence ou en effigie.