La Revue Française de Psychanalyse

87-1 Résumés des articles

87-1 Résumés des articles

THÈME : HAÏR

François Richard – Dans la haine, une perversion psychique

RÉSUMÉ – Cet article fait l’hypothèse d’une haine radicale distincte de la haine psychologique pour une personne. Ce haïr modifie la source et le circuit de la pulsion. Sous les apparences d’une destructivité opératoire, on trouve intention d’atteindre la subjectivité de l’autre en même temps niée dans son humanité. La pulsion de mort à l’œuvre n’est ici pas exempte de sadisme, mais c’est surtout de paranoïa et d’une perversion psychique particulière dont il s’agit. Deux exemples essentiels l’illustrent : le viol et les génocides. Dans le viol, on trouve une identification refusée du violeur meurtrier à la victime. Dans les génocides, l’abolition de l’altérité de l’autre a besoin de cette altérité pour ensuite la massacrer. Sont étudiés en détail les procédés de la subtile falsification du langage produite par les idéologies génocidaires et totalitaires qui ressurgissent dans le contexte de l’actuel malaise dans la culture.

MOTS-CLÉS – génocide, haine, paranoïa, perversion, pulsion de mort, viol.

Jessica Tible – Des solitudes et de la haine diffuse

RÉSUMÉ – Le 12 octobre 1968, au Congrès de Strasbourg organisé par l’École Freudienne de Paris, Michel de Certeau s’interroge sur l’usage contemporain de la fonction du père, héritée de Freud. Jacques Lacan intervient pour souligner son déclin aux temps modernes et ses conséquences à venir : la montée du racisme et l’extension des procès de ségrégation. Nous proposons de mettre au travail cette thèse. Tout d’abord, nous reprenons l’analyse freudienne d’« Une névrose diabolique au XVIIe siècle », convoquée par Michel de Certeau, pour démontrer l’enracinement de la haine de l’autre dans le rejet de la castration. Ensuite, la construction lacanienne des discours entre 1968 et 1972 nous permet de faire valoir une forclusion généralisée de la castration comme un effet de la modernité. Enfin, nous interrogeons les foules actuelles dans lesquelles se déchiffre le paradigme de notre époque : une société de solitudes qui se déploie dans une nouvelle cartographie d’identités ségrégatives.

MOTS-CLÉS – castration, foule, identité, lien social, ségrégation, théorie lacanienne des discours.

Véronique Laurent – L’enfant, le groupe et la haine de la petite différence

RÉSUMÉ – L’auteur relève l’association faite par Freud entre une certaine forme de haine et le collectif à partir de la notion de « narcissisme des petites différences ». Il se propose d’en suivre les termes pour tenter une articulation métapsychologique en appui sur une expérience de groupe analytique d’enfants et des exemples de la littérature. La nature des liens sociaux permet de dégager la spécificité d’un fraternel antœdipien. Elle ouvre à une relecture du mythe de la horde dans laquelle l’union fraternelle prend valeur de temps auto ou de double retournement collectif, constitutif d’un moi groupal, négativant le père. Freud y considère une période « sans père » contemporaine d’une redistribution topique, plaçant la différence des générations au cœur des premiers clivages bon/mauvais, dedans/dehors, moi/non-moi. La figure primitive du Nebenmensch, tout à la fois « seule puissance qui aide », « le premier objet de satisfaction », et « le premier objet hostile » se décondense. Le parent endosse la puissance ou démesure porteuse de l’idéal, et dégage l’alter ego fraternel, narcissiquement peu différent, d’un excédent de pulsions hostiles, renforçant sa fonction réfléchissante du moi naissant plutôt que s’en faisant le ravisseur.

MOTS-CLÉS – différence de générations, double, groupe, haine, narcissisme des petites différences.

Mario de Vincenzo – Haine, amour et élaboration paranoïaque du deuil

RÉSUMÉ – À partir de l’exploration des fonctions de la haine dans la genèse de l’objet et dans la constitution du sujet, l’auteur étudie les avatars de la haine et de l’amour dans leurs rapports respectifs avec la perte au sein de la relation d’objet. Grâce à l’analyse de cette étape cruciale de différenciation entre le moi et le non-moi, qui se réalise dans le sillage de la perte d’une condition de plénitude narcissique, il sera étudié le rôle princeps de la projection de l’expérience de déplaisir et du mauvais sur l’objet et sur l’extérieur haï. En prenant en compte ces processus, l’auteur explore l’hypothèse de Franco Fornari selon laquelle le conflit haineux et la guerre pourraient être compris comme des tentatives d’élaboration paranoïaque du deuil pour faire face aux angoisses dépressives et paranoïdes que les sujets et les groupes peuvent traverser lorsqu’ils sont confrontés à la perte.

MOTS-CLÉS – haine, amour, perte, guerre, deuil, paranoïa.

Marie-Laure Léandri – Haïr son sexe : « Manger avec les lèvres de la mort »

RESUMÉ – Haïr comme acte convoque l’objet : l’auteur fait l’hypothèse que haïr son propre sexe peut constituer un palier d’organisation en dernier recours face à des désorganisations identitaires majeures, maintenant ainsi un objet qui vectorise coûte que coûte la pulsion et maintient un fonctionnement psychique objectal. Le sexe du sujet peut devenir cet objet extérieur haï que Freud étudie dans Pulsions et destins des pulsions, et différentes cliniques éclairent cette proposition. L’adolescence est un moment particulièrement propice à haïr son propre sexe, lieu de fixation par excellence du conflit identification/identité. Les conduites d’automutilations, de scarifications, sont analysées à l’aune de cette haine de son sexe, entendues comme des mortifications en lien avec la problématique du deuil. Dans cette perspective de l’enjeu réorganisateur de l’acte de haïr, on ne peut que différencier absolument haïr et détruire.

MOTS-CLÉS – haïr, haine, ambivalence, emprise, masochisme, destructivité.

Johanna Velt – « Affaire classée » : haine, deuil et anorexie

RESUMÉ – Le traitement d’une jeune anorexique a conduit l’auteure à s’interroger sur la haine et ses rapports avec le deuil et plus généralement l’objet et la pulsion. La haine dans le contre-transfert de Winnicott, le travail de fantôme de Abraham et Torok et la fonction désobjectalisante de Green, jalonnent sa réflexion pour comprendre la psychopathologie et la dynamique processuelle à l’œuvre dans ce cas d’anorexie sévère. Un intense investissement transférentiel de la patiente, soutenu par son analyste et l’équipe soignante, lui permet de réinvestir sa vie psychique et de se déprendre d’une succession d’identifications à des objets morts signifiants pour la mère et le père (un puîné, un grand-père, un oncle). Dans la situation analytique, l’analyste, par la fonction objectalisante et l’espace transitionnel qu’elle propose, favorise la réintrication entre libido et destructivité en faveur de l’Éros et le traitement psychique de la haine.

MOTS-CLÉS – haine, anorexie, objet, pulsion, incorporation, deuil.

Michèle Petitcolin – Haïr d’Aimer

RESUMÉ — L’intensité et la massivité d’un tableau clinique où la détresse ne laisse plus aucun blanc pour la respiration d’une pensée créative illustrent le propos de cet article. L’auteure tente de faire sentir, plus encore que de montrer, la complexité des bourrasques passionnelles produites par l’engagement dans et par le transfert. La solidité des liens de l’arrimage contre-transférentiel est convoquée par l’inévitable déchaînement de la haine. Telle est l’exigence de travail indispensable, la preuve en chose, en acte, pour espérer que s’esquisse la trace d’un investissement à valeur organisatrice, condition d’un frayage vers un processus de transformation des imagos.

MOTS-CLÉS – haine, transfert passionnel, réaction thérapeutique négative, sentiment inconscient de culpabilité, masochisme.

Monique Selz — Amélie ou « l’enfant mal accueillie » : comment survivre à la haine ?

RESUMÉ – Amélie avait fait une psychothérapie lors d’un divorce qui s’était révélé particulièrement difficile. Plusieurs années après, elle retourne voir son psychothérapeute lorsqu’elle apprend que ses enfants ont été abusés par leur grand-père. Or elle avait été elle-même abusée enfant par cet homme. Mais n’en ayant jamais parlé, elle n’avait pas pu imaginer qu’après s’en être pris à sa fille, il pourrait s’en prendre à ses petits-enfants. Devant les difficultés d’Amélie à aborder verbalement la situation, son psychothérapeute l’adresse à un psychodrame individuel en groupe. Or elle suscite très rapidement la haine chez le meneur de jeu. Cependant, l’accueil bienveillant au sein du groupe de psychodrame permet petit à petit d’assouplir la rigidité défensive d’Amélie et de dissoudre la haine dans le contre-transfert.

MOTS-CLÉS – enfant mal accueilli, haine, contre-transfert, psychodrame.

Jenny Chan – La haine dans un crime d’infanticide

RESUMÉ – Le travail psychothérapeutique avec un patient ayant commis un crime d’infanticide permet d’interroger des processus psychiques dans la transformation de l’amour en haine. En référence à Freud dans ses recherches, la culpabilité de l’acte du crime se trouve dans le fantasme de l’accomplissement d’un désir inconscient au regard de l’interdit. Le narcissisme occupe une place centrale lors des intrications/désintrications pulsionnelles. Dans la contention physique, le corps en scène constitue cet objet intermédiaire entre l’amour et la haine. Toutefois, dans l’infanticide, le moi atteindra l’objet dans la mesure où le meurtre de l’enfant conduira au meurtre de la mère. Quel est le devenir du destin des pulsions après l’acte ? Le psychanalyste est-il disponible pour maintenir un cadre symbolisant et une écoute flottante dans la clinique de l’extrême ? Comment entendre, dans un acte meurtrier, la culpabilité inconsciente du sujet qui réclame son innocence d’enfant meurtri ?

MOTS-CLÉS – amour/haine, infanticide, pulsions, culpabilité, masochisme.

Julie Chevalier – Enjeux de la haine objective dans une organisation en faux self

RESUMÉ – La théorie de Winnicott révèle que les parents doivent être capables de haïr l’enfant dans un environnement qui n’est pas un environnement sentimental. Sinon l’enfant n’aura d’autre choix que de développer un faux self, d’abord en se soumettant, puis en se révoltant. Cette révolte peut apparaître dès les tout premiers stades du développement, mais également réapparaître chez l’enfant au travers de symptômes antisociaux, donc sous une forme plus grave et destructrice. Cet article analyse, en continuité de la haine objective théorisée par Winnicott, ce que l’auteure nomme le haïr objectif. Caché dans une organisation en faux self, le haïr objectif nécessite une figure parentale à qui s’adresser dans la relation transférentielle pour qu’advienne le vrai self de l’enfant. L’auteure montre ainsi qu’il devient parfois nécessaire que le patient haïsse objectivement l’analyste, pour éprouver ensuite le sentiment de l’aimer objectivement. Le cas clinique d’un enfant de 8 ans illustre le propos.

MOTS-CLÉS – Shaine, faux self, environnement, esprit, transfert, D.W. Winnicott.

Daniel Oppenheim — Beckett : une œuvre habitée par les effets de l’hainamoration

RESUMÉ – Beckett a subi l’hainamoration maternelle, et toute son œuvre est habitée par ses effets et les tentatives de s’en déprendre. Ce long discours, adressé à sa mère et à Bion, écrit sous l’exigence de sa voix intérieure, décrit au plus près les ténèbres terrifiantes qui l’habitent. Cette œuvre cohérente et courageuse nous apprend beaucoup sur les effets de l’hainamoration maternelle, et nous aide à mieux comprendre et aider nos patients. Cet article ne vise pas à analyser Beckett, mais à lire-écouter son discours, sans prendre appui sur les éléments biographiques, hormis l’hainamoration, en y circulant en tous sens pour y repérer les éléments significatifs et insistants – l’exclusion, le doute, le corps désorganisé, le temps figé, l’aliénation, la mort d’origine, la mère, la femme, la paternité, les mots, la carapace, l’enfermement, etc. – et leur éventuelle évolution. Le discours inconscient en effet ne suit pas une chronologie linéaire.

MOTS-CLÉS – Beckett, hainamoration maternelle, créativité thérapeutique, survivre, carapace, mort.

Benoît Servant – L’écheveau de la haine

RESUMÉ – L’auteur aborde la question de la haine en la rattachant à la difficulté humaine de reconnaître la fondamentale dépendance de sa condition. Le refus de la dépendance à l’autre amène à le haïr, le rejeter, et donc à se priver de ce qu’au fond on en attend. L’auteur l’illustre sur le plan clinique à partir de sa pratique, qui va privilégier la haine au sein de couple, en distinguant différentes conjonctures, et les conséquences pour la conduite de la cure ; il les met à chaque fois en regard de certains romans de Georges Simenon, également centrés sur la haine dans le couple ; ce qui permet, à partir de la dimension passionnelle, amoureuse et meurtrière, de faire un lien entre le rôle de la fiction littéraire, la notion du « détruit-trouvé » proposée par René Roussillon, et l’enjeu propre de la cure.

MOTS-CLÉS – mal, dépendance, couple, passion, détruit-trouvé.

DOSSIER : PSYCHANALYSE ET CINÉMA

Dans le cadre de ce dossier « Psychanalyse et Cinéma», nous vous proposons de relire l’entretien avec Arnaud Desplechin réalisé en 2019 par Amélie de Cazanove et Kalyane Fejtö. 

Murielle Gagnebin – Dans le sillage de l’Ego Alter. À même le tissu filmique

RESUMÉ – Pourquoi Freud n’a-t-il jamais apprécié le cinéma ? C’est grâce à plusieurs patients, mais à deux d’entre eux tout spécialement qui étaient cinéastes, conscients chacun, au long de l’analyse, de l’enjeu bisexuel propre à leur art et de leur capacité à engager des deuils, que l’auteure a été conduite à inventer la notion d’Ego alter, qui, à ses yeux, précède toute sublimation et a son mot à dire à la projection. On pourrait affirmer qu’il relie l’œuvre à l’artiste comme l’analysant à son psychanalyste quand ceux-ci acceptent dépersonnalisations et transports des forces de déliaison dans le Moi qui s’enrichit d’autant. L’auteure fait fonctionner cette notion en un balancement quaternaire : peur, « viol », désespoir, authenticité, et cela dans plusieurs films, soutenue par les déclarations écrites de plus d’un réalisateur. Cette méditation sur le cinéma est la suite d’un livre : en deçà de la sublimation. L’Ego alter (2011), où elle analysait de façon critique cette notion, à travers la littérature et la peinture.

MOTS-CLÉS – Bresson, dépression, Godard, intrusivité, Truffaut, Vangelis.

Bernard Touati – Mulholland Drive. Silence on tourne, silence on rêve, silence on meurt

RESUMÉ – Il est tenté d’approcher l’univers de David Lynch à travers le film Mulhollland Drive dans ce qu’il illustre de la pluralité des compréhensions possibles et du vacillement des certitudes identitaires et temporelles ainsi que de la force évocatrice de l’image-son en mouvement. Film central dans l’œuvre du cinéaste, Mulholland Drive fait du spectateur à la fois un rêveur, un interprète et un enquêteur avide de découvrir une vérité cachée qui se dérobe un peu plus à chaque nouvel indice qu’elle délivre. Dans l’interprétation proposée, la première partie du film est un rêve construit selon les procédés freudiens de travail du rêve (renversement, déplacement, condensation…). Ce rêve est assailli par les irruptions d’éléments distordus du réel, jusqu’à aboutir au réveil à partir duquel se développe la seconde partie du film dans sa dimension tragique. La genèse en deux temps de la production et l’écriture du film se décline à l’infini dans sa construction même, et dans l’ensemble de ses ressorts dramatiques, ses dialogues et ses personnages. D’autres points de convergence avec la psychanalyse sont abordés, notamment à propos des représentations d’actions, de l’interprétation et de la création, de la coexistence de plusieurs mondes, plusieurs lignes narratives qui permettent une relance infinie du besoin de connaître et de la capacité de désir.

MOTS-CLÉS – Mulholland Drive, passion, haine, interprétation, rêve, cinéma.

Caroline Thompson – La comédie de l’identité

RESUMÉ – Comment savoir qui l’on est lorsque l’on devient un personnage de fiction ? Le Bureau des légendes, la série d’espionnage, nous confronte à cette question : vivre « sous légende », c’est-à-dire sous une fausse identité qui fait vaciller les assises du moi, peut-elle crée des troubles identitaires ? Qui est-on lorsque l’on vit plusieurs vies ? Guillaume de Bailly, le personnage principal de la série, découvrira qui il est à travers la confrontation aux rôles qu’il doit endosser. Nous interrogerons la limite entre la fiction et la réalité à travers une comparaison avec le dispositif narratif de Philip Roth qui fait appel à des alter ego pour mieux se mettre en scène. À travers ces deux œuvres, c’est la question de l’authenticité au sens que lui donne Jean-Paul Sartre que nous explorerons, mais aussi celle du rapport de confiance entre le créateur et le spectateur-lecteur : où s’arrête la fiction et où commence le mensonge ? Et si la fiction révélait quelque chose de plus vrai que la réalité ?

MOTS-CLÉS – rôle, identité, fiction, paradoxe du comédien, authenticité.

Laurent Becue- Renard – Cinéma, psychanalyse ; monter, démonter : de l’invention de la vérité

RESUMÉ – Un cinéaste parle depuis la singularité de sa pratique artistique. Son œuvre en cours, Une généalogie de la colère, consacrée à l’héritage psychique de la guerre, met en scène thérapie et cinéma dans l’invention de récits signifiants qui permettent aux protagonistes de survivre à la violence vécue. En faisant le pari que le temps de l’écoute documentaire au fondement de la saisie des récits traumatiques soit sans cesse remis en jeu par les protagonistes dans un « après-coup » amené par la thérapie, mais aussi par le cinéaste, l’auteur déplie ici une recherche concrète où l’art de l’écoute et du montage cinématographiques viennent se frotter à l’écoute et au montage analytique. Cinéaste et analysant, l’auteur propose de questionner le rapport du récit signifiant à la vérité. Vérité émancipatrice qui serait ainsi issue non seulement d’une part dite documentaire, mais aussi d’une part de fiction si l’art du « dé » et du « re » montage est accompli par tous – patients, thérapeutes et cinéaste.

MOTS-CLÉS – documentaire, fiction, montage, trauma, survie, récit signifiant.

Nathalie Ferreira, Stéphane Fremont, Laurence Guibert, Nathalie Josefowicz, Anne-André Reille – L’aventure du Psyné-club de la SPP

RESUMÉ – L’aventure du Psyné-Club de la SPP initiée par un petit groupe d’Analystes En Formation a vu le jour en 2018. Depuis, elle permet chaque mois de se retrouver autour d’un(e) invité(e) qui vient y partager et transmettre de façon conviviale sa clinique, ses recherches et ses questionnements en proposant de regarder ensemble – relevant à la fois de l’expérience intime et collective – un film (documentaire, fiction, entretien ou archives personnelles), suivi d’un temps de discussion. On sait l’importance des images, fixes et/ou en mouvement, comme la place des poètes, « précieux alliés », dans la conception de la métapsychologie freudienne. Psychanalyse et cinéma, tous deux nés en 1885 avec le même espoir d’y explorer corps et âmes, partagent un langage à la fois commun et spécifique que nous nous proposons de faire dialoguer, interrogeant la place de la fiction dans le récit du patient, mais aussi celle de la création dans le fonctionnement psychique.

MOTS-CLÉS – psychanalyse, cinéma, image, rencontre, transmission.

RUBRIQUES

Psychanalyse et littérature

Alberto Konichekis – Le bourdon et les rayons. Le rythme dans Pas moi de Samuel Beckett

RESUMÉ – Beckett remet en question certains des piliers de la littérature en portant les mots au seuil de leur signification et en interrogeant son essence comme ses possibilités. Il fait apparaître alors une réalité autre, différente des mots, mais qui n’existerait pas sans les mots. Cette réalité amène à réfléchir au rythme, forme de la temporalité et du mouvement. Pour Freud, le rythme correspond à la face qualitative du principe du plaisir. Il peut aussi être décelé par l’alternance entre la continuité et la discontinuité ainsi qu’entre la liaison et la déliaison. Chez le personnage principal de Pas moi se présentent des traces d’une venue au monde bouleversante que les différentes modalités de rythme tentent de rendre acceptable. Le dialogue régulier entre le bourdon et les rayons berce le dénouement éphémère du récit à travers lequel le personnage trouve des mots et des larmes pour irriguer son âme desséchée par l’absence d’amour.

MOTS-CLÉS – rythme, sens, principe de plaisir, liaison, musicalité.

Bernard Chervet – Formation psychanalytique avec fin et sans fin. Transmission, formation et manque

RESUMÉ – La transmission de la psychanalyse combine un accomplissement du psychisme référé à un idéal de fonctionnement et une infinie acculturation qui inclut la formation psychanalytique proprement dite. Toute formation est un lieu de transfert d’autorité, mais aussi de tendances négatives qui ont des conséquences sur notre capacité à devenir et à rester analyste, ainsi que sur les fonctionnements institutionnels. Les scissions des sociétés de psychanalyse sont fréquemment associées à la formation des psychanalystes, quel que soit le modèle de formation. Se transmet ainsi une éthique psychanalytique fondée sur un masochisme de retenue qui s’oppose à ces tendances extinctives. Il n’y a pas d’analyste qui puisse le devenir et le rester seul. Mais il n’y a pas d’analyste qui ne le soit que par l’institution. Les oscillations entre le surmoi individuel et le surmoi culturel entre les régressions de séances et celles propres à d’autres scènes hors séance fondent la possibilité de devenir et redevenir analyste.

MOTS-CLÉS – analyse personnelle, formation psychanalytique, acculturation, régressivité extinctive, impératif d’inscription, après-coup.