Résumés des articles
Thème : Traduire
Transfert sur le langage
Laurence Kahn – Louches entremetteurs. De la destruction en traduction
RÉSUMÉ – Qu’est-ce qui guide la politique d’une traduction de Freud ? Qu’en est-il des représentations-but des traducteurs lorsqu’ils impriment une marque au texte traduit, que ce soit au nom de la scientificité, de l’authenticité, ou de l’étrange opacité de la langue familière ? Comment fonctionne le transfert entre le traducteur excité par l’original et le lecteur tenu par le désir de posséder le texte malgré tout ? La résistance du texte d’origine, la perte inéluctable des polysémies, l’impossibilité d’exporter la rythmique syntaxique, les réductions lexicographiques auxquelles procède nécessairement le traducteur contraignent à une grande modestie. Celle-ci se heurte pourtant au pouvoir ambigu de ces entremetteurs entre les langues, qui se réfèrent à des visées et des héritages très disparates. En examinant plusieurs traductions en anglais et en français, l’auteur fait apparaître la radicale hétérogénéité des divers projets, interrogeant le destin de la part de destructivité inhérente à l’acte traductif.
MOTS-CLÉS – original, acte traductif, destruction, contre-investissement, refoulement
Dominique Suchet – Traduire la sensation océanique, ou y perdre pied
RÉSUMÉ – À la jonction de nos approches respectives (la littérature comparée et la psychanalyse), nous nous intéressons à un cas de (non)traduction : la « sensation océanique » exprimée par un écrivain français, Romain Rolland, et sa réception active par Freud qui semble tout à la fois la reprendre et ne pas bien savoir qu’en faire – comme s’il ne pouvait pas cesser de ne pas comprendre ce dont il s’agit. Ce cas offre l’occasion de troquer la représentation de la traduction comme passage d’une langue de départ vers une langue d’arrivée pour l’envisager comme rapport dont le ressort principal n’est pas la communication, mais le malentendu. Loin de déplorer une déperdition dans cette transformation, nous envisageons l’acte de traduire comme une invitation à porter attention à ce qui se joue dans l’ébranlement d’un discours lorsqu’il se trouve réénoncé ailleurs, autrement. Ce changement de paradigme, qui suppose de dépasser toute une série d’oppositions binaires (libre/fidèle, source/cible) interroge aussi la constitution du sujet : l’océanique est un non-dualisme.
MOTS-CLÉS – traduction, discours rapporté, océanique, malentendu, illusion, non-dualisme.
Zoé Andreyev – La détraduction ou l’art de cuisiner les restes intraduits
RÉSUMÉ – Cet article explore et développe la notion de « détraduction » introduite par Jean Laplanche. À la fois psychanalyste et traducteur de Freud, Laplanche a développé une théorie traductive de la genèse de l’inconscient qui s’inscrit dans sa « théorie de la séduction généralisée ». L’auteur s’éloigne ici de la stricte acception laplanchienne de la « détraduction » comme synonyme d’interprétation analytique. En s’appuyant à la fois sur des expériences décrites par Freud et Proust et sur un exemple clinique, elle montre comment la « détraduction », entendue comme surgissant lors de brefs vacillements perceptifs, peut mettre à jour les « intraduits » de la situation analytique et susciter un mouvement d’élaboration, de (re)traduction chez l’analysant comme chez l’analyste. La détraduction apparaît ici comme un mouvement indispensable au travail de traduction non seulement dans sa dimension d’aller-retour, mais aussi de conflit entre déliaison et liaison, entre expérience perceptive et vécu psychique.
MOTS-CLÉS – Jean Laplanche, traduction, détraduction, intraduits, déliaison, après-coup.
D’une langue à l’autre en littérature
Antoine Nastasi – Entretien avec Aharon Appelfeld
RÉSUMÉ – Dans cette entrevue, Aharon Appelfeld nous guide à travers le monde des visions de l’écrivain. Visions qu’il cherche à traduire avec une grande économie de mots, cherchant la justesse dépouillée et non la profusion de métaphores. Son renoncement volontaire à la langue maternelle allemande, le fondement que représente pour lui le yiddish, l’adoption de l’hébreu comme retour aux racines aussi bien que langue séculaire détachée de la langue sacrée qu’est l’hébreu biblique, autant de directions linguistiques qui portent les images internes. Veiller à ne pas gaspiller, ne pas entrer dans le foisonnement conduit à une pudeur du sens. La violence de la clarté, aveuglante, est pourtant bien en toile de fond.
MOT-CLÉS – vision, langue maternelle, langue d’adoption, écriture, judéité.
Antoine Nastasi – Préférer ne pas traduire
RÉSUMÉ – Résister à la traduction, la contenir ou la refuser revient à pencher vers l’indifférencié, cela peut être une mesure de sauvegarde. Différencié et indifférencié se mêlent alors pour tenter de faire face au danger de la pleine lumière. De plus, indifférence et indifférencié ont un lien de proximité. L’indifférence est le peu, voire le très peu de ressenti chez soi et/ou chez l’autre. L’indifférence conduit vers l’indifférencié et la disparition. Mais l’indifférencié est une voie pour ne pas traduire, ne pas éclaircir et surtout ne pas et être effacé. L’indifférencié peut se présenter comme une tentative pour ne pas disparaître. La non-indifférence relève de l’intime et l’intime ne repose-t-il pas sur une part suffisante de non traduit ? Le refus de traduire ou la répugnance à traduire sont liés à la conservation d’une part de flou. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le flou sauve les contours. Cette zone d’imprécision protège de la coupure, du détachement de la séparation brutale. L’éloignement de la traduction pourrait laisser la place au rêve, au non connu sur lequel on s’appuie. Si le sens est dans les interstices et est lui-même interstices, il convient peut-être de ne pas hâter la traduction. La traduction est située à la limite de ce qui est halluciné
MOTS-CLÉS – refus de traduire, indifférencié, indifférence, hallucinatoire, négation, disparition.
Yoann Loisel – L’auto-traduction de Samuel Beckett : art de l’écrivain, métier du traducteur, différences avec la psychanalyse
RÉSUMÉ – En distinguant les sens respectifs de l’interprétation et de la créativité littéraire, l’œuvre de Samuel Beckett apporte beaucoup à la métapsychologie et, même, à une théorie psychologique de l’acte de traduction. Son écriture ne poursuit pas tant la continuation d’une psychanalyse qu’une interrogation sur les relations de l’étranger et du familier l’ayant dirigé vers l’analyse comme, avant et après, vers différents changements de contenants représentatifs. L’usage qu’il fait d’une langue non maternelle aménage une relation objectale archaïque, son auto-traduction soutient un fantasme faisant processus et l’ensemble est davantage comparable à une médiation corporelle, voire à une transe auto-hypnotique, qu’à une cure classique.
MOTS-CLÉS – Samuel Beckett, créativité, étranger, traduction, corps.
D’une langue à l’autre en clinique
Jessica Jourdan-Peyrony, Benoît Servant – Belles infidèles
RÉSUMÉ – Les auteurs abordent, à travers littérature, philosophie et clinique quelques enjeux du processus de traduction/compréhension. Ils explorent comment l’analyste peut reprendre le texte « source » du patient en le transformant dans la langue de la détresse et de la dépendance, dans le cadre de l’infidélité amoureuse. Ils soulignent à quel point le fait de maintenir une altérité vitale avec le patient, notamment entre le patient adolescent en souffrance narcissique et son équipe de soins, permet d’éviter, voire de dépasser la confusion incestuelle l’ayant conduit à traduire avec méfiance les messages adressés par les adultes. Ils reviennent ainsi à la notion d’hospitalité langagière (selon la belle expression de P. Ricoeur) de l’analyste qui reçoit jusque dans son corps la parole de l’étranger (ainsi que le propose J. McDougall et sa notion de communication muette somatisante, de corps à corps) qu’il peut alors traduire et rendre pour part à son patient.
MOTS-CLÉS – compréhension, infidélité, langage du corps, hospitalité langagière, altérité.
Sabina Lambertucci-Mann –Traduire Traducere, traduire son double, trans-férer sur un autre
RÉSUMÉ – L’auteure envisage la problématique de la traduction à partir du mot latin traducere, transporter ailleurs, transférer sur une autre personne. Le contre-transfert est, dans ces cas, vivement sollicité. Ainsi l’auteure approfondit cette utilisation du mot traducere évoquant le cas d’une patiente qui, dès le début du traitement, réveille chez l’analyste des affects de contre-transfert se traduisant par des vécus d’intrusion, d’étrange familiarité, de double. La question du double, sa dimension d’inquiétant, d’angoisse de désorganisation du moi et de vécu de persécution est évoquée. Au fil des séances, la patiente développe un transfert idéalisant, suivi par un affect de déception qu’elle relie à une interprétation de l’analyste. Elle commence alors à reconnaître son ambivalence, première tentative d’élaboration psychique qui permet la traduction-transformation de ses pensées inconscientes. Ainsi le passage d’un investissement narcissique à un investissement où l’homosexualité devient structurante est envisagé comme une ébauche de traduction ouvrant vers l’altérité.
MOTS-CLÉS – traduction, traducere, transporter ailleurs, double, transfert, contre-transfert, langue maternelle.
Marielle Sœur – La langue des confidences
RÉSUMÉ – Le surgissement de l’allemand et de l’italien, en séance et en rêve, chez l’analyste et chez Anna – qui parlent ces deux langues, mais Anna l’ignore – révèle son histoire familiale sur fond de celle du Haut-Adige. Il s’avère alors nécessaire de prendre en compte la complexité du contexte de son environnement historique, culturel et social afin de déchiffrer sa souffrance intime méconnue d’elle. Son usage particulier de ces deux langues s’inscrit dans les histoires structurales auxquelles elle a été soumise dans les choix que lui ont signifiés ses ancêtres et les pouvoirs politiques successifs, et qui ont grevé sa construction œdipienne. La cure lui permet d’élaborer l’usage qu’elle fait de ces langues, puis d’ouvrir au travail de l’Œdipe. Le français, langue neutre et bienveillante de l’analyste, langue des confidences pour dire les fantasmes œdipiens, langue intime entre nous, devient langue choisie par elle marquant sa capacité à se dégager de son histoire infantile.
MOTS-CLÉS – langue originaire, traumatisme de l’Histoire, annexion et langue subie, bilinguisme obligé, émigration et langue choisie.
Traduire les maux
Sébastien Talon – Traduire : enjeux cliniques et théoriques dans la rencontre avec une clinique allochtone
RÉSUMÉ – Traduire n’est pas anodin, a fortiori quand il s’agit de psychanalyse. C’est aussi poser des mots sur ce qui n’a pas de dimension matérielle tout en l’appréhendant par ses effets : l’inconscient, afin de se rendre compréhensible pour autrui. Dès lors, en introduisant l’antisémantique du langage, Lagache pose des énigmes. Ainsi, en prenant l’exemple linguistique de la traduction de « Malaise dans la culture/civilisation », il s’agit de montrer comment, par son écriture, Freud déploie dès le titre tout un programme psychanalytique. De même, avec Laplanche nous interrogerons les intraduits et le mythosymbolique en en appelant à l’éthique. Puis nous montrerons par des exemples cliniques de sujets allochtones l’articulation entre demande et soin quand la traduction se fait complexe, car prise au risque de l’érotique de la confusion des langues. Le corps devient alors le représentant de la pulsion lorsque le sujet ne parvient pas, ou mal, à articuler une autre langue que sa langue première.
MOTS-CLÉS – traduction, clinique, exil, allochtone, érotique, corps.
Annie Élisabeth Aubert – Penser entre les langues : la traduction orale et l’expérience analytique
RÉSUMÉ – Afin d’interroger la clinique de la pensée analytique lorsque la rencontre avec le patient héberge la présence d’une langue interdite et d’un monde extra-européen, l’article présente deux dispositifs s’organisant autour de la traduction orale consécutive : un dispositif d’entretien avec interprète et un dispositif inter-analytique de recherche. Ce travail explore comment le travail de penser de l’interprète et celui de l’analyste/interprète permettent de comprendre les possibilités de transformation entre analyste et patient. Les obstacles à la traduction s’avèrent, après coup, pour l’analyste traduit, un accès élargi à son contre-transfert et un dégagement de l’impasse dans la cure. L’analyse des expériences rapportées explicite les différentes expressions du processus de différenciation, dont la détraduction. Après les études sur le multilinguisme dans la cure, la reconnaissance de l’hétérolinguisme peut être une invitation à se tourner vers les nouvelles voies de la traductologie.
MOTS-CLÉS – traduction orale consécutive, processus de différenciation, transformation, détraduction, langue interdite.
Simone Korff Sausse – Psychanalyse et déficience. Le psychanalyste polyglotte
RÉSUMÉ – L’auteure aborde la question de la traduction à partir d’un champ clinique spécifique, les cliniques de l’extrême, et en particulier les patients atteints de déficience mentale. Confronté à une langue altérée, non-conforme au modèle linguistique « normal », ou même à l’absence de langage verbal, le psychanalyste se trouve donc en position de traducteur. Mais, plutôt que la traduction d’une langue à l’autre, il s’agit de transformation, au sens de W.R. Bion, non pas entre deux langues constituées, mais entre deux registres du fonctionnement psychique hétérogènes, le sensoriel et le verbal. Cette idée sera illustrée par deux cas cliniques, que l’auteure qualifie d’intraduisibles, tellement leur étrangeté met à mal ses capacités de compréhension rationnelle, et oblige à accepter d’entrer dans une logique déstabilisante, où le thérapeute aura recours à une associativité très libre et des références artistiques.
MOTS-CLÉS – handicap mental, W.R. Bion, traduction, transformation.
Dossier : confinement
Emmanuelle Chervet – Les samedis cliniques du confinement
RÉSUMÉ – Pendant le premier confinement de la pandémie Covid 19, la SPP a organisé pour ses membres des rencontres en visioconférence pour une première réflexion sur les processus des traitements qu’ils avaient décidé de poursuivre au prix d’aménagements du dispositif. Modification des régimes de l’excitation et des niveaux de la régression, actualisations transférentielles sur les dispositifs nouveaux, prise en compte de la réalité du confinement commune à l’analyste et au patient définissaient une réalité clinique particulière.
MOTS-CLÉS – confinement, aménagement du dispositif, séances à distance, traumatisme, processus analytique.
Kalyane Fejtö – L’intimité à distance
RÉSUMÉ – Le confinement a conduit, dans les cas où la poursuite du processus était privilégiée, à une modification provisoire de dispositif dont il importait de mettre au jour les implications, notamment au regard de l’importance de la co-présence des corps du patient et de l’analyste dans la cure normale. À partir d’un exemple clinique, nous témoignerons du fait que la mise en place de séances à distance a parfois produit des effets imprévus au sein des dynamiques transféro-contre-transférentielles, et a pu donner lieu à un investissement du traitement jusque-là entravé par une surcharge d’excitation que la présence suscitait.
MOTS-CLÉS – séances à distance, réalité extérieure, dynamique transféro-contre-transférentielle excitation, fantasme.
Christine Saint-Paul Laffont – « Restez chez vous ! ». De l’impact traumatique sur le cadre à son aménagement dans la reprise du processus
RÉSUMÉ – Cet article étudie les effets traumatiques de l’injonction de confinement sur le cadre et la continuité du processus. À partir de son réaménagement en urgence, séances par téléphone, l’exposé de deux séances montrera l’impact du trauma dans le processus même de la cure, les niveaux de variation économique et de régression engagés ainsi que leur rattrapage à partir d’un travail en double. Seront interrogés à cette occasion les effets du manque des corps en présence et de l’expressivité sensori-motrice qu’ils véhiculent, des silences, ainsi que les modalités d’interprétation.
MOTS-CLÉS – confinement, cadre, trauma, manque des corps en présence, travail en double.
Lúcia Salmeron Touati – Alice : La poursuite d’un traitement psychanalytique d’enfant au téléphone pendant le confinement
RÉSUMÉ – L’expérience du confinement confronte l’analyste et sa jeune patiente aux fantasmes d’abandon. Le travail contre-transférentiel chez l’analyste et l’investissement du perceptif comme défense anti traumatique chez l’enfant révèlent leurs retrouvailles pour une séance au téléphone.
MOTS-CLÉS – confinement, psychanalyse d’enfant, séance à distance, angoisse d’abandon, bisexualité psychique.
Geneviève Bourdellon – Commentaire du texte de Lúcia Touati
RÉSUMÉ – La psychothérapie d’une enfant de 3 ans d’abord figée dans une identification de type Ferenczi en lien avec un père perçu comme surmoïque et anti pulsionnel se transformera en identification intégrative de type Anna Freud. Quand le confinement oblige l’analyste à garder le lien par téléphone, Alice sera capable de recréer l’espace psychique d’intimité de la séance à partir d’éléments sensoriels et de poursuivre en direction d’une rêverie œdipienne.
MOTS-CLÉS – identification à l’agresseur, transformation, développement, qualification de l’affect.
Bernard Chervet – Alice et la différence des sexes, par Lúcia Touati
RÉSUMÉ – Une petite fille de 7 ans réalise une mentalisation de la différence des sexes au cours d’une séquence de séances au téléphone imposées par le risque de contamination. Suite à la disparition physique de son analyste, soutenue par l’invitation de celle-ci à utiliser le langage, elle fait appel au registre du vu (hallucination, fantasme, perception d’éléments tangibles référés au frère), puis à celui de l’entendu, un conte écrit figurant ses éprouvés de menace, de manque, de relibidinalisation.
MOTS-CLÉS – régressivité pulsionnelle extinctive, impératif d’inscription, transposition, différence anatomique des sexes, manque, spiritualisation.
Pascale Navarri – Psychanalyste en chair et en os
RÉSUMÉ – L’auteure reprend le texte prononcé en visioconférence en mai 2020 dans le cadre de la Clinique du confinement organisée par la SPP. L’interruption des séances et l’emploi d’outils de communication à distance ont mis au premier plan les questions de confidentialité et d’intimité nécessaires au processus analytique. Le travail du cadre interne de l’analyste face à l’impensé du surgissement d’une situation dangereuse est interrogé. Pour qualifier ce travail à distance le terme « d’entretien psychanalytique » est proposé.
MOTS-CLÉS – situation analytique à distance, confidentialité, confinement, entretien psychanalytique.
Marie-Françoise Laval-Hygonenq – Discussion sur le travail analytique à l’épreuve du confinement
RÉSUMÉ – Devant cette situation inédite, nos réactions à chacun, analyste et patient, ont été différentes ; d’où l’intérêt de la mise en débat de la suite que nous avons donnée, et continuerons donner à notre travail. Pour ma part, la poursuite au téléphone s’est avérée possible et riche d’élaboration. Mes patients ont apprécié que je sois là pour eux, se sentant soutenus dans leurs difficultés nouvelles ; c’est ainsi qu’une dimension psychothérapique pouvait prendre plus de place sans entraver le travail analytique en cours, ni sa poursuite sur le divan.
MOTS-CLÉS – continuité/rupture, individuel/collectif, réel/réalité, symétrie/dissymétrie.
Rubriques
Psychanalyse et littérature
François Sirois – Faulkner : fratrie tragique
RÉSUMÉ – Deux romans de William Faulkner, le bruit et la fureur et Absalon ! Absalon !, sont analysés. Une double thématique les unit, celle de l’inceste et celle de la filiation. Le lien entre ces deux aspects est développé comme deux faces d’un même enjeu dans la société du sud des États-Unis. Cet enjeu tragique est mis en perspective avec les formes de la tragédie grecque, d’une part, et avec les traces de la mémoire consciente et inconsciente, d’autre part.
MOTS-CLES – Faulkner, inceste, filiation, trace mnésique, tragédie.
Technique psychanalytique
Philippe Givre – Rêves borderline et identifications d’angoisse
RÉSUMÉ – Les identifications d’angoisse génèrent un processus de désagrégation et de décomposition du moi-corps où le moi n’est plus alors que l’effraction qu’il subit. Les rêves borderline vont traduire cette puissance inquiétante de déformation détenue par ce type d’image spéculaire. Ils vont même contribuer à renforcer la conviction que les scénarii qui sont à l’œuvre ont une valeur destinale inentamable. Les identifications d’angoisse sous-jacentes à ces scènes (dés)identifiantes ont ainsi le pouvoir d’amender les ressources métaphoriques non seulement de l’analysant, mais également de l’analyste. Pour contrecarrer ce processus de dé-métaphorisation, l’élaboration analytique devra favoriser une forme d’hystérisation archaïque laquelle permettra non seulement une remémoration des traumatismes précoces, mais favorisera une reconfiguration des enveloppes psychiques ou des signifiants formels à partir de constructions ou d’interprétations qui privilégieront l’usage de métaphores synesthésiques.
MOTS-CLES – hystérie archaïque, identification d’angoisse, rêve, signifiant formel, symbolisation primaire.
Psychanalyse et société
Michel Saraga – Anzieu sur le balcon, ou les vertus de l’illusion à l’heure du virus
RÉSUMÉ – Les applaudissements du soir destinés aux soignants engagés contre le COVID-19 sont analysés à la lumière du concept d’illusion groupale développé par Didier Anzieu. La dimension collective de la pandémie étaye l’hypothèse d’une expérience groupale massive et contrainte. Les applaudissements sont envisagés comme un effort collectif pour susciter une illusion groupale permettant de faire face aux angoisses mobilisées par la situation. Ils visent aussi à conjurer le risque d’un déchaînement de violence à l’heure où les fondements de la vie collective semblent vaciller. Enfin, ils constituent une forme d’engagement collectif à ne pas reprocher aux médecins les décisions de triage qu’ils auront peut-être dû prendre. L’illusion groupale ne tient cependant qu’un temps, et les collectivités doivent désormais faire face à la nécessité d’élaborer les événements récents, alors même que la deuxième vague fait éclater les tensions dissimulées par l’effort groupal des premières semaines.
MOTS-CLÉS – COVID-19, applaudissements, illusion groupale, psychanalyse de groupe.