La Revue Française de Psychanalyse

88-3 Résumés des articles

88-3 Résumés des articles

THÈME : VOYAGES ET FRONTIÈRES

Céline Flécheux – Revenir. L’épreuve du retour

RÉSUMÉ – Pourquoi revenir est-il tellement plus difficile que partir ? Pourquoi manque-t-il un terme adéquat, en français comme dans d’autres langues, pour désigner « celui qui revient » sans l’assimiler à un « revenant » ? S’appuyant sur la dissymétrie entre « partir » et « revenir », cet article explore la dimension problématique du retour dans les grands récits occidentaux, la parabole du Fils prodigue et L’Odyssée en particulier, et identifie les grandes épreuves caractéristiques du retour : la reconnaissance, l’oubli, le sentiment d’étrangeté, la difficulté à raconter. Peut-on réellement revenir chez soi sans déstabiliser son milieu de départ ? Les détours et les séjours modifient considérablement l’espace du retour. Quant au temps, il est particulièrement mis à l’épreuve lors du retour : son irréversibilité, son incompressibilité, le sens de sa « futurition », pour reprendre l’expression de Jankélévitch, résisteront-ils au revenir ?

MOTS-CLÉS – revenir, retour, voyage, Odyssée, épreuve.

Jean-François Aenishanslin – La bifurcation. La question de l’inconscient chez Brentano, Lipps et Freud

RÉSUMÉ – La psychanalyse n’a pu s’instaurer qu’une fois levées les barrières que la philosophie et la psychologie avaient installées aux frontières du corps et de l’âme, du normal et du pathologique, du conscient et de l’inconscient. Sur ce point, ce fut la découverte des travaux de Theodor Lipps et de la critique que celui-ci adressait à la phénoménologie de Franz Brentano qui permit à Freud d’ouvrir un nouvel accès à la question de l’inconscient, que son ancien maître avait barré. L’inconscient qu’il mettait au jour n’avait pourtant que peu à voir avec la doctrine de Lipps. Aussi Freud attira-t-il plusieurs fois l’attention sur les conditions théoriques qui avaient rendu possible sa création, qu’il invita à penser en termes de bifurcation. On peut y voir une incitation à envisager de cette manière l’histoire de la psychanalyse dans son ensemble.

MOTS-CLÉS – Brentano, Lipps, philosophie, inconscient, préconscient.

Gérard Pirlot – « J’arrive où je suis étranger »

RÉSUMÉ – L’expérience du voyage n’est évidemment pas sans évoquer la cure analytique. Cette odyssée, obligeamment, amène à se perdre, seule façon de se trouver. La durée du voyage analytique ouvre à la réappropriation d’un passé en développant un espace subjectif dans lequel conflits et pensées peuvent s’étirer dans de multiples strates psychiques. Le temps y devient espace, de même qu’une autre langue ouvre à d’autres temporalités. Partant de l’expérience de Julien Green d’un changement de langue créant un réel changement d’espace psychique, l’auteur souligne qu’il n’est pas de quête intérieure qui ne puisse se passer de voyage, d’une langue à l’autre ou d’un pays à l’autre. Montaigne, Descartes et Freud cultivèrent leur vie durant les voyages terrestres, comme pour mieux franchir les frontières intérieures qui les habitaient et que stimulaient ces pérégrinations. Or, si le monde de ces auteurs était celui des frontières et des « topiques » bien définies, celui sans frontières de la postmodernité mondialisée n’aboutit-il pas à un Homme fluide, en quête de limite dans une société par trop « liquide » dans lequel tout voyage intérieur devient périlleux ?

MOTS-CLÉS – Montaigne, Descartes, Freud, cas-limite, frontière, voyage.

Julien Amy – Voyage(s) aux frontières

RÉSUMÉ – L’article propose un voyage entre art et psychanalyse aux frontières du langage, du visible et du palpable en trois temps trois lieux et trois personnages : Kandinsky (Munich, 1908), Freud (Vienne, 1897), Julia Kristeva (Paris, 2012). De Kandinsky, l’article évoque le choix de délaisser le réalisme figuratif pour mieux permettre d’exprimer la vie intérieure (la « résonance intérieure ») suite à Turner et à l’impressionnisme. De Freud, il parle de l’abandon de la neurotica, de l’adoption du divan et de la méthode de l’association libre, témoignant là aussi d’un délaissement de la réalité extérieure pour privilégier la vie intérieure. De Julia Kristeva, il développe l’idée de la chair des mots, manière là aussi de valoriser le sensoriel et le pulsionnel en deçà de la réalité extérieure et de la pensée secondarisée. Comme les voyages, la psychanalyse est une expérience de découverte qui métamorphose le penser en œuvrant et ouvrant vers des champs de pensées inexploitées.

MOTS-CLÉS – résonance intérieure, réalité psychique, association libre, chiasme, chair des mots, signifiance.

Yoann Loisel – Albert Cohen : voyage à la vie, à la mort, aux frontières du deuil et du tendre

RÉSUMÉ – Si le thème du voyage, par conséquent celui des frontières et des limites, s’offre en immédiate clé pour aborder le dynamisme de son œuvre et la personnalité d’Albert Cohen, parce qu’il connaît l’expérience précoce de l’exil, redoublée vite de la confrontation à l’antisémitisme, surtout, quelle que soit l’initiale force traumatique de ces évènements, ils laissent imaginer la rémanence d’un arrachement antérieur et d’une excitation qui aura trouvé la possibilité d’investir l’écriture d’une manière à la fois totalement exubérante et totalement éthique. Se subvertiront et s’électriseront ainsi, en particulier dans ses romans, avec une portée agressive qui ne doit pas être mésestimée, bien des régimes classiques de différenciation, voire d’opposition (vie/mort, expulsion/intégration, homme/femme…). Parmi eux, une clé complémentaire, plus profonde, d’engager l’épaisseur métaphorique qu’allègue cette matière du voyage réside certainement dans sa narration des deux courants pulsionnels tels que décrits par Freud : le tendre et le sensuel.

MOTS-CLÉS – Albert Cohen, créativité, deuil, dépression, courant tendre, courant sensuel.

Silke Schauder – « Quand je peins, je ne pense pas à la peinture… Je pense à la vie ». Les multiples voyages de Basquiat

RÉSUMÉ – Considéré comme un des plus grands peintres du 20e siècle, Jean-Michel Basquiat (1960-1988) est le premier artiste de couleur d’avoir franchi par son art subversif les portes des musées. Dans le présent article, nous interrogeons sa création sous l’angle du voyage. Ainsi, l’analyse de ses œuvres fait apparaître, de par son esthétique du gribouillis, de la rature et du defacement, son perpétuel voyage vers l’enfance. Sa réponse à une filiation complexe, contradictoire, se traduit également dans sa recherche des racines lors d’un voyage à Abidjan qu’il vit comme un retour chez lui. Sa quête inlassable des paradis artificiels que lui procurent les drogues dures va le propulser vers son dernier voyage, sa mort par overdose le 12 août 1988. Ces multiples voyages de Basquiat – artistique, culturel, familial – témoignent d’une rupture d’avec les normes de son époque. Son errance, son nomadisme contribuent à un formidable mouvement qui assure la vivacité, la fulgurance exceptionnelle de son art.

MOTS-CLÉS – enfance, gribouillis, addiction, nomadisme, errance.

Dinah Rosenberg – Parler une langue étrangère

RÉSUMÉ – Cet article évoque le cas d’un jeune enfant élevé en anglais et avec qui nous travaillons en anglais alors que ça n’est ni la langue de ses parents ni la mienne. Sa langue est d’abord faite de répétitions de phrases toutes faites reflétant la difficulté pour ses parents d’investir le corps érotique de leur enfant au-delà de sa survie. Mon anglais, langue apprise, répète probablement cette façon un peu froide de parler. Au fil du travail se dessine un mouvement où l’anglais devient moins compréhensible jusqu’à des échanges en charabia joyeux. Le plaisir à proférer des sons, et à jouer apparaît. Cela donne espoir qu’un langage du plaisir prenne place au lieu où un parler utile répond à un besoin et qu’in fine cet enfant développe une langue ambivalente et adressée, moins sous l’emprise de la pulsion de mort. La langue maternelle, acquise et non apprise, s’ancre dans le corps de l’enfant et le plaisir de l’échange en deçà des mots, et permet ainsi d’intriquer les pulsions sur le modèle du masochisme gardien de la vie.

MOTS-CLÉS – langue maternelle, corps, étayage, mélancolie, masochisme, principe de plaisir.

Sabina Lambertucci-Mann – Aux frontières des langues. Entre deuils œdipiens et naissance du surmoi, la langue du tiers

RÉSUMÉ – À partir d’un traitement d’adolescent, l’auteure décrit le long et tortueux chemin qui ouvre vers le travail de deuil des objets d’enfance permettant ainsi au patient d’acquérir un espace psychique propre, un surmoi impersonnel. Au début du traitement, le patient utilise la langue de la mère en séance, mettant à l’écart la langue du père. Ce choix traduit le lien passionnel à l’objet premier. La langue des origines permettra de déployer le fil d’une histoire infantile jalonnée de deuils anciens et de séparations. Pas à pas, grâce aux interventions discrètes de l’analyste et à l’attention portée aux mouvements affectifs, des souvenirs d’enfance sont retrouvés, de nouvelles capacités associatives apparaissent. Le personnage paternel ainsi que sa langue sont alors investis. La langue de l’analyse et de l’analyste devient alors progressivement une langue tierce, une langue qui sépare, une frontière, et permet au patient de trouver un espace intime, une liberté nouvelle, une véritable prime de plaisir.

MOTS-CLÉS – adolescence, langue de l’analyse, langue du tiers, travail de deuil, surmoi.

Martin Joubert – Contre-transfert inconscient : penser une troisième topique ?

RÉSUMÉ – Le contre-transfert inconscient se manifeste comme un étranger en soi. Des éléments de nature hallucinatoire, des troubles ponctuels des fonctions de synthèse du moi ou bien la seule négativité surgissent chez l’analyste en rupture avec sa continuité psychique. Ils permettront la figuration d’un irreprésentable du patient. De même que dans la relation de l’individu au groupe, en séance, la régressivité à l’hallucinatoire recrée les conditions d’une indistinction psychique entre soi et autrui. Elle renouvèle celle qui existait avant le langage lorsqu’aucun objet ne se percevait comme non-soi. Le contre-transfert inconscient s’appuie sur les identifications corporelles permettant que des éléments en attente de symbolisation ou bien les effets de leur absence circulent d’un appareil psychique à l’autre. La dissolution des frontières favorisée par le dispositif analytique incite à penser une troisième topique où, entre psyché individuelle et lien intersubjectif, les destins du masochisme primaire en relation à l’objet deviennent prépondérants.

MOTS-CLÉS – contre-transfert inconscient, masochisme primaire, troisième topique, identifications corporelles, hallucinatoire.

Cecilia Rodrigues, Cristina Lindenmeyer et Maria Livia T. Moretto – L’inquiétante et actuelle étrangeté du monde autochtone brésilien

RÉSUMÉ – Aujourd’hui encore, les indigènes au Brésil souffrent d’un effacement historique, social et territorial. La culture traditionnelle précolombienne perd ses contours. La société occidentale et ses repères culturels s’imposent et négligent les sujets et les cultures indigènes. Les habitudes sont en train de changer. Des libertés s’immiscent de manière envahissante dans les traditions. La culture traditionnelle semble ne plus apporter l’assurance narcissique du travail de la culture. La lutte pour le territoire peut aussi devenir une lutte interne. Une lutte de frontières internes du moi qui se trouble face au choc culturel et à la colonisation constamment réactualisée. Devant l’effondrement de la culture, le moi semble s’effondrer aussi. Les peuples originaires sont en détresse en tant que communauté depuis plus de 500 ans. Cet article développe une analyse des quelques mouvements psychiques du peuple Karajá, communauté très fortement touchée par l’addiction et le suicide.

MOTS-CLÉS – frontières du moi, peuples autochtones, trauma colonial.

DOSSIER : LA PSYCHANALYSE EN TUNISIE

Riadh Ben Rejeb – Genèse de l’Association Tunisienne pour le Développement de la Psychanalyse (ATDP)

RÉSUMÉ – L’auteur rappelle, prolonge et met à jour de précédentes publications traitant de l’histoire de la psychanalyse en Tunisie. Il rappelle les pionniers ayant introduit et pratiqué la psychanalyse en Tunisie dans les années 1970 et 1980 (Torasi, Ghorbal, Halayem). Il met ensuite l’accent sur l’introduction de la psychanalyse en Tunisie par le biais de l’Université de Tunis, plus précisément à travers l’Unité de Recherche en Psychopathologie Clinique (URPC). Il cite également le contexte de création des différentes associations psychanalytiques en Tunisie (SERP, ATEPA, ATFPA, EAFT, AFPEC, CPT). La genèse de l’ATDP (Association Tunisienne pour le Développement de la Psychanalyse) est le fruit d’un long cheminement marqué d’abord par un échec de collaboration entre l’URPC et Patrick Delaroche, puis d’une collaboration intense entre l’URPC et le Groupe Méditerranéen de la Société Psychanalytique de Paris (GmSPP). Elle a permis l’accès à la SPP et l’IPA.

MOTS-CLÉS – Tunisie, histoire, psychanalyse, URPC, ATDP, GmSPP, transmission.

Nicole Geblesco, Martine Myquel, Petra Palermiti, Arlette Rizzo et Erica Vo Cong – Nos expériences en Tunisie

RÉSUMÉ – Les échanges du Groupe Méditerranéen avec la Tunisie datent de 1990, bien avant la reconnaissance par l’API en 2012 de l’Association Tunisienne pour le Développement de la Psychanalyse (ATDP) comme un « Centre Allié ». Les échanges avec nos collègues nous apprennent beaucoup sur le familier et l’étranger. Notre sensorialité est sollicitée par les parfums et les sons si spécifiques à la Tunisie. La religion est présente et la famille est vue différemment en France et en Tunisie. Le travail de nos collègues pouvait parfois faire penser à Freud à ses débuts, travaillant parfois sans cadre protecteur. Parler du travail de nos collègues tunisiens nous a beaucoup fait réfléchir sur l’utilisation de notre cadre interne et sur les aménagements possibles du cadre externe. Nous nous sommes demandé quels chemins associatifs pouvaient prendre les textes freudiens des traductions françaises pour un lecteur arabophone.

MOTS-CLÉS – Tunisie, échanges, sensorialité, famille, religion, cadre psychanalytique, traduction.

Samir Jebabli – Un témoignage de l’implantation de la psychanalyse en Tunisie

RÉSUMÉ – Ce texte est un témoignage présenté par feu Samir Jebabli au 6e colloque international de l’Unité de Recherche en Psychopathologie Clinique (URPC) tenu les 3 et 4 février 2006 à Carthage sur le thème « la référence ». Il y présente une expérience menée par l’URPC avec le Dr Patrick Delaroche entre 2001 et 2004 en vue de l’introduction de la psychanalyse en Tunisie. L’auteur expose fidèlement un compte-rendu de cette expérience. Ce témoignage est touchant par sa sincérité. Il retrace les différentes phases qui avaient marqué cette aventure ponctuée par des moments d’enthousiasme, puis de déception et d’amertume.

MOTS-CLÉS – psychanalyse, Tunisie, URPC, histoire, transmission.

Nédra Ben Smail – Contribution à l’histoire de la psychanalyse en Tunisie : l’expérience de l’AFPEC

RÉSUMÉ – Ce texte est une contribution à l’histoire de la psychanalyse en Tunisie à travers la création de l’AFPEC (Association de psychanalyse et d’échanges cliniques), fondée en 2011 au lendemain de la révolution tunisienne, point de départ du « Printemps arabe ». Il constitue une réflexion sur la diffusion de la psychanalyse, les pièges et difficultés rencontrés lors de ces expériences pionnières, qui demeurent cependant, dans leur imperfection et quelquefois grâce à elle, les jalons indispensables à la transmission de la psychanalyse. Ce texte articule par ailleurs les effets du politique sur la diffusion de la psychanalyse. La Tunisie a connu ces dernières années des bouleversements politiques majeurs : une révolution qui a mis fin à plus de cinquante ans de dictature, suivie d’une décennie démocratique. Comment la psychanalyse en a-t-elle été traversée ? Quel est l’impact de la dimension politique sur la réalité psychique du patient, et de l’analyste ?

MOTS-CLÉS – Tunisie, révolution, psychanalyse, AFPEC, histoire, transmission.

Emira Khelifi – Deux pionniers de la psychanalyse en Tunisie : Lydia Torasi et Mohamed Ghorbal

RÉSUMÉ – Ce texte vient suite à un évènement réalisé par l’Association Tunisienne pour le Développement de la Psychanalyse (ATDP) intitulé « Mémoire et transmission » consacré aux premiers psychanalystes en Tunisie. Revenir à l’histoire de la psychanalyse en Tunisie est à la fois un acte de reconnaissance, mais surtout une nécessité à son développement et sa pérennité. Nous proposons de revenir sur deux pionniers de la psychanalyse en Tunisie : Lydia Torasi et Mohamed Ghorbal. Il s’agit d’aller à leur rencontre à travers le souvenir qu’ils ont laissé chez les personnes avec qui ils ont échangé, collaboré et travaillé. Il s’agit aussi de revenir sur leur développement théorique et les réflexions proposées dans la compréhension du fonctionnement psychique. Ce texte, en plus d’être un hommage, est une occasion qui permet de retracer le chemin parcouru depuis le début pour le développement de la psychanalyse en Tunisie et de questionner les difficultés et résistances qui peuvent entraver son essor.

MOTS-CLÉS – Lydia Torasi, Mohamed Ghorbal, psychanalyse, Tunisie, transmission.

Houyem Boukassoula – Le développement de la Psychologie Analytique en Tunisie

RÉSUMÉ – L’auteure expose dans un premier temps l’histoire de l’introduction de la psychologie analytique en Tunisie, telle qu’élaborée et pratiquée par Carl Gustav Jung à partir de 1913. Elle explique comment les cliniciens tunisiens ont découvert la thèse jungienne vers la fin des années 1990 et comment ils ont pu s’organiser pour fonder leur cadre local de travail par le biais d’ATEPA puis d’ATFPA. Elle présente également les procédures de formation des analystes jungiens telles qu’elles ont été organisées par l’Association Internationale de Psychologie Analytique (IAAP). Elle relate ensuite comment ils ont pu s’inscrire à l’échelle internationale, valider leur formation et résister avec le soutien des jungiens aux perturbations socio-économiques qu’a connues la Tunisie suite à la révolution de 2011. Elle discute enfin des spécificités de l’approche jungienne par rapport à celle de Freud et avance quelques tentatives d’explications, notamment d’ordre culturel, concernant l’attirance des cliniciens tunisiens par la thèse jungienne.

MOTS-CLÉS – psychologie analytique, C.G. Jung, Tunisie, developing group, routers’s group, analyste jungien.

Rym Triki – L’image de la psychanalyse en Tunisie. À propos d’une sitcom et d’une œuvre cinématographique

RÉSUMÉ – L’auteur propose une réflexion sur l’évolution de l’image de la psychanalyse en Tunisie en tant que démarche psychothérapeutique à travers deux productions artistiques : une sitcom, Choufli hal, et une œuvre cinématographique, Un divan à Tunis. Il s’agit d’une analyse de cette image à travers trois volets : la perception du psychothérapeute, celle du cadre et enfin la démarche psychothérapeutique. À partir de cette analyse comparée entre les deux œuvres, on découvre plusieurs similitudes mais aussi des différences liées surtout au contexte politique et l’émergence d’une quête de liberté de la pensée et de la parole. Enfin, ces deux productions, tout en reflétant l’image de la psychanalyse en Tunisie telle qu’elle se présente à l’époque de leur parution, ont contribué à la sensibilisation de la population tunisienne à la psychologie en général et à la psychanalyse en particulier.

MOTS-CLÉS – psychanalyse, Tunisie, sitcom Choufli hal, film Un divan à Tunis, démarche psychothérapeutique, cadre.

RUBRIQUES

Psychanalyse et philosophie

Gabriel Lomellini – Quand l’autre fait échec à la reconnaissance : Axel Honneth relu par Jean Laplanche

RÉSUMÉ – Le paradigme de la reconnaissance, élaboré au long cours par Axel Honneth, constitue une tentative formelle ambitieuse de penser la genèse de la vie subjective, à la fois dans son versant psychique, par la référence à la psychanalyse, et dans la vie historique, les luttes pour la reconnaissance étant comprises comme le moteur du progrès historique. La théorie honnethienne fait pourtant un usage limité de la notion d’altérité, au risque d’aboutir à une appropriation normalisatrice, voire normalisante de la psychanalyse. Face à ce mouvement centripète de la reconnaissance comme subsomption de l’altérité, nous proposons d’introduire, comme contrepoint et ouverture, la théorie de la séduction généralisée de Jean Laplanche, comme une sorte de passage à la limite de la théorie de la reconnaissance. Pris dans un mouvement dialectique de mé-re-connaissance, il apparaît que le paradigme de la reconnaissance repose paradoxalement sur son autre : soit ce qui fait échec à toute reconnaissance.

MOTS-CLÉS – Théorie Critique, Axel Honneth, Jean Laplanche, reconnaissance, autre, subjectivité.

Clinique et technique psychanalytiques

Charlotte Marcilhacy – D’une soumission conformiste à l’élaboration de la dépendance dans le transfert

RÉSUMÉ – L’article interroge les ressorts psychiques de la soumission, l’hypothèse étant qu’ils trouveraient leur origine dans des clivages primitifs, en lien à des traumatismes précoces. Seront également questionnés leur lien avec une pathologie parentale de l’ordre de la soumission, de même qu’avec certains avatars du vécu triangulaire par incapacité du moi, aux prises avec des identifications aliénantes, à transférer l’idéal narcissique sur un objet tiers massivement contre-investi. À travers les fragments d’une cure seront abordées les modalités transféro-contre-transférentielles mises en jeu dans le travail analytique auprès de patients qui se sont construits autour d’une soumission à leur environnement. À travers sa survivance, l’introjection de l’analyste comme objet fiable va soutenir celle du tiers paternel dans sa fonction intégratrice de la violence primaire, de même que l’élaboration d’une position de soumission/dépendance réactualisée dans le transfert.

MOTS-CLÉS – soumission, régression dans la dépendance, transfert, traumatisme précoce, tiercéité, idéal.

Épistémologie et histoire de la psychanalyse

Josef Ludin – Le contre-transfert, son origine métapsychologique et son impact sur la psychanalyse contemporaine

RÉSUMÉ – Le concept de contre-transfert, déjà mis en avant par Freud et Ferenczi, a manifestement nécessité une certaine période d’incubation avant de devenir une technique dominante. L’auteur montre que tant l’interprétation du transfert mis en avant par Strachey que la technique du contre-transfert sont issues de la métapsychologie kleinienne. Avec cette métapsychologie, la technique du contre-transfert a été de plus en plus reconnue, contre la volonté initiale de Freud ainsi que de Melanie Klein. Par la suite, un pas de plus a été franchi dans la compréhension du contre-transfert grâce à l’influence des théories de Bion. Son idée de considérer les transformations émotionnelles comme le point focal du travail analytique a donné un nouvel élan à la technique du contre-transfert. L’auteur tente une analyse critique de cette évolution et se demande si cela nous éloigne d’une psychanalyse fondée sur l’échange de mots, la sexualité infantile, les conflits œdipiens, la déformation et l’après-coup.

MOTS-CLÉS – common ground, contre-transfert, identification projective, interprétation, expérience émotionnelle.