85-5 Résumés des articles
Eva Weil – Lieux du traumatique, le génocide : le nouage collectif-individuel
RÉSUMÉ – La clinique des rescapés et de leurs descendants est abordée à travers le paradigme du génocide. Les emblématiques théories du trauma se confrontent à la vérité historique, la vérité psychique, l’épreuve de réalité, et à « l’être analyste », héritier de la généalogie freudienne et de l’Histoire du XXe siècle. L’hypothèse de la latence dans le collectif, révélée par les effets processuels de sa rupture, se noue aux archives psychiques du collectif telles qu’elles se déploient dans la littérature, particulièrement chez Isaac Bashevis Singer. Refoulement, mise à l’écart, mise en suspens se combinent dans cette latence. Une figuration des endommagements individuels et collectifs du pare-excitation par les quantités massives de WW2, à partir d’Au-delà du principe de plaisir (Freud,1920g), est proposée où la présence d’un autrui, après, s’avère fondamentale. L’individuelcollectif des sujets et du socius sous sa forme continue/discontinue se lierait dans un nouage associant l’être singulier, les effets des traumas collectifs, l’aléatoire et le hasard.
MOTS-CLÉS – paradigme du génocide, trauma collectif, l’individuelcollectif, latence du collectif, refoulement et mise en suspens.
Alice Buras – Discussion du rapport d’Eva Weil
RÉSUMÉ – Pour les deuxièmes et troisièmes générations de survivants, le trauma qui est demeuré inélaboré pour l’un est projeté sur le groupe. Et l’élaboration psychique individuelle est rendue possible quand la reconnaissance et l’inscription de l’horreur se sont accomplies collectivement. Par contre, pour ceux qui ont été plongés directement dans les situations extrêmes d’extermination, le monde extérieur a disparu, et le groupe ne peut pas être un recours. Pour faire face à ces violences de masse, il faut sortir de la masse des victimes. La pulsion anarchiste, dérivée de la pulsion de mort, grâce à son activité déliante, pourrait aider à la lucidité, à la résistance et à la survie.
MOTS-CLÉS – trauma, génocide, pulsion anarchiste, lucidité, survie, contrat narcissique.
Chetrit-Vatine, Granek – Espace psychique, lieu analytique, Makom
RÉSUMÉ – Constatant l’apparente inévitabilité et la fréquence des métaphores spatiales dans les écrits psychanalytiques, les auteurs se penchent sur la raison d’être et les vicissitudes de ces métaphores. Ils étudient les caractéristiques de l’espace psychique, du lieu analytique, de leur interaction en mettant l’accent sur l’espace potentiel et l’agir. Partant du concept de séduction originaire, ils proposent celui de séduction éthique ; ils introduisent la notion de messages énigméthiques qui reprennent et dépassent les messages énigmatiques. En découle le concept d’espace matriciel qu’ils explicitent dans le cadre d’une métapsychologie prenant en compte sexual et infini. L’aspect théorico-pratique de l’analyse en Israël, en son contexte socio-politico-culturel est illustré par plusieurs cas cliniques. Ils proposent enfin la notion de Makom, espace de construction d’une hétéro-spatialité (et hétéro-temporalité), dans lequel la dimension spatio-temporelle est dépassée par celles d’éthique et d’infinité.
MOTS-CLÉS – espace psychique, lieu analytique, séduction éthique, messages énigméthiques, espace matriciel, Makom.
Claude Smadja – Discussion du rapport de Viviane Chetrit-Vatine et Michel Granek
RÉSUMÉ – La discussion du rapport Chetrit-Granek porte sur deux questions majeures : l’importation d’un concept étranger dans le champ psychanalytique et l’éthique psychanalytique. L’auteur discute du point de vue épistémologique la pertinence d’importer, dans le champ de la psychanalyse, un concept philosophique, celui de responsabilité affectée et asymétrique pour l’autre, concept issu de la philosophie de Levinas. Par ailleurs l’auteur met en question la question éthique posée par les auteurs du rapport. Le supplément d’éthique dont les auteurs du rapport dotent l’analyste peut être source de conflits nouveaux pour le patient en raison de la nature de ses propres idéaux et de la qualité de son surmoi.
MOTS-CLÉS – épistémologie, éthique, idéal, surmoi.
Bernard Chervet – La trace manquante et l’Éros infini
RÉSUMÉ – Aux effets dévastateurs des traumatismes de masse, le collectif répond par l’imposition du silence, la méconnaissance de la surdétermination et le devoir de mémoire. La restauration du procès de l’après-coup fait appel à la mise en latence, au travail régressif de la passivité et à un impératif d’inscription référé à un idéal ouvert sur l’infini à l’origine de souhaits d’échapper à toute inscription. Cette tendance à l’extension infinie définit Éros en tant que pulsion de vie.
MOTS-CLÉS – traumatisme de masse, collectif du culturel, impératif d’inscription, extension à l’infini, Éros, après-coup.
Dominique Cupa – Survivance de la survie et « férocité d’inscription »
RÉSUMÉ – Partant du témoignage que lui a fait un survivant de Bergen Belsen, l’auteure avance que face à la destructivité nazi, l’après-coup soumis à l’impératif d’inscription articulant traces du passé et formations représentatives peut soutenir la survie de la survivance et sa transmission grâce au lien d’objet à long terme. Cependant, faute d’un « pourquoi » un trou noir psychique absorbe une part du processus d’inscription.
MOTS-CLÉS – survivance, traumatisme, après-coup, transmission, impératif d’inscription.
Gilbert Diatkine – Inscription et effacement
RESUMÉ – L’inscription des traces des catastrophes collectives sur nos monuments et dans nos archives reste lettre morte si elle n’est pas investie par la conscience collective des peuples. De même, la remémoration des fantasmes et des traumatismes des individus ne guérit leurs symptômes que si les représentations devenues conscientes sont mises en relation avec d’autres représentations par l’élaboration.
MOTS-CLÉS – Arménie, vérité historique, traumatismes collectifs.
Ayça Gurdal Kuey – Le travail du traumatique, effacement, inscription
RÉSUMÉ – Les traumatismes massifs portent en eux à la fois la peur, la haine et la honte. Il est difficile d’évoquer cette grande violence et de trouver ses représentations ; c’est le cas pour Shoah et La Grande Catastrophe arménienne. Pour discuter le travail du traumatique, on présente le travail clinique d’un projet de psychothérapie psychanalytique et de groupe de supervision qui nous avait montré la possibilité de travailler avec un trauma collectif, de penser ensemble et d’élaborer un après-coup.
MOTS-CLÉS – travail du traumatique, trauma collectif, traumatisme, la Catastrophe arménienne.
Maxime Benhamou – Le « cas particulier » de l’hébreu : pourquoi cela devrait intéresser la psychanalyse ?
RESUMÉ – Dans le prolongement du rapport de Viviane Chetrit-Vatine et Michel Granek, cet article propose quelques éléments de réflexion sur les particularités de l’espace psychique d’un usager de la langue hébraïque. L’hébreu est un cas unique en son genre : celui d’être passé de l’état de langue morte à celui de langue vivante grâce notamment à Eliezer Ben Yéhouda qui fut sans aucun doute le plus célèbre promoteur de « la renaissance de l’hébreu ». Mais, au-delà du vif intérêt que suscite l’hébreu pour les sciences du langage, la psychanalyse peut aussi y trouver matière à réflexion notamment pour alimenter (et faire avancer) un débat toujours ouvert autour du mot d’ordre lacanien concernant la « primauté du signifiant ». Un mot d’ordre que l’hébreu semble mettre à défaut.
MOTS-CLÉS – hébreu moderne, représentation de mot, représentation de chose, primauté du signifiant.
Yolanda Gampel – « Un mur tombe pendant la séance… »
RESUMÉ – La réalité extérieure fait tomber les murs du congrès et les murs dans la séance. On a du mal avec les effets du télescopage entre théories normatives et ce nouveau désordre. Face à ce désordre, nous n’avons ni théories ni définitions permettant d’en déduire les effets. Obligés d’accepter que nous appartenions en même temps à de multiples strates, nous cheminons avec une dynamique d’errance. Les événements laissent des marques profondes de la douleur sociale sur les histoires individuelles et collectives. Leurs significations ainsi que leurs effets produisent une césure : un « avant » et un « après ». Dorénavant nous vivons un quotidien qui englobe à la fois l´avant et l´après, un « aujourd’hui » sans fin menaçant et douloureux.
MOTS-CLÉS – résidus radioactifs, mondes superposés, arrière-plan de sécurité, arrière-plan d’inquiétante étrangeté.
Piotr Krzakowski – Figurer l’indicible : Primo Levi et Art Spiegelman
RÉSUMÉ – Cet article présente deux générations différemment touchées par la Shoah : Primo Levi, piégé dans l’impossibilité de dire son histoire à ses plus proches, et Art Spiegelman, fils de déporté, qui a littéralement « capturé » le récit de son père au titre d’une œuvre « expérimentale » selon lui, une bande dessinée décrivant l’univers d’Auschwitz. Ces deux parcours illustreront le jeu génératif et protecteur de la latence, mais aussi son alliance possible avec un négatif mis en abyme.
MOTS-CLÉS – traumas collectifs, transgénérationnel, figuration (travail de), technique psychanalytique, Holocauste.
Isaac Salem – De l’exil à l’exode
RÉSUMÉ – C’est l’histoire traumatique d’un homme qui a été abandonné par sa mère à neuf ans. Il est constamment à la recherche d’un lieu, d’un Makom pour vivre. La situation analytique crée cet espace qu’il va progressivement s’approprier. C’est grâce au transfert sur et dans l’analyste qu’il sort progressivement de la détresse et du désespoir.
MOTS-CLÉS – traumatisme, abandon, clivage, lieu, exil.
Gisèle Vered – Négation de la transmission dans l’espace du kibboutz
RÉSUMÉ – La conjonction des deux aspects du négatif, dans sa double portée structurante et déstructurante, apparaît dans la version d’une création inédite, le kibboutz, qui n’aurait probablement pas vu le jour en Israël sans un processus de négation de la transmission. La coupure radicale avec la transmission des traditions, à l’approche de et après la Shoah, était liée à un pacte dénégatif collectif et à ses alliances inconscientes dans le co-déni et le co-refoulement. Ce mouvement porteur de générativité dans un premier temps, puis figé dans le carcan du non-savoir, du rejet du passé, s’est finalement étiolé jusqu’à sa quasi-disparition. Toutefois, une poussée libertaire, un désengagement de la négation des transmissions a permis de recréer une nouvelle configuration. Libéré d’une utopie basée sur les failles de la filiation, inscrit dans le mouvement dialectique de l’Histoire, porteur de vie, car relié au passé, un makom autre est advenu, de nouveau sous le primat d’Éros.
MOTS-CLÉS – négation, transmission, kibboutz, pacte dénégatif, co-déni, co-refoulement.
Andreas Saurer – Esprit du temps, représentation des traumatismes collectifs et perlaboration
RÉSUMÉ – L’esprit du temps éclaire certains faits et en laisse d’autres dans l’ombre. Il module les garants sociaux, un système de représentations suffisamment stable pour penser et exister dans la différence. La représentation de la réalité, y compris celle des traumatismes collectifs, est influencée par le contexte, le moment historique et l’inconscient fantasmatique et affectif. Le travail de perlaboration, un processus de complexification continu, allège le poids mortifère de la sublimation statique du souvenir indicible du « plus jamais ça ».
MOTS-CLÉS – traumatisme collectif, souvenir, représentation de la réalité, travail de perlaboration.
Jacques Angelergues – De l’oubli à l’écoute affectée
RÉSUMÉ – L’écoute de l’analyste peut être entravée par les effets indirects des traumatismes extrêmes, dont la Shoah est un prototype sans équivalent. Toute écoute analytique doit être une écoute affectée ; dans les situations de traumatisme extrême, implique d’assurer les conditions de « l’épreuve de réalité » nécessaire aux rescapés et à leurs descendants pour échapper à l’amnésie imposée par l’extérieur. Quand l’analyste est lui-même un descendant et qu’il a sur son divan un autre descendant, cette exigence est double. Le déni et de la répression des affects semblent pouvoir s’étendre, mais l’éloignement du noyau traumatique facilite peut-être la relance du processus analytique.
MOTS-CLÉS – oubli, écoute affectée, nouages, déni, répression des affects, impensable.
Guy Cabrol – Le contretransfert de l’analyste à l’épreuve de la réalité historique
RÉSUMÉ – Quand et comment, dans la situation analytique, prendre en compte la réalité extérieure du sujet et au sujet même alors que l’analyste est centré sur le monde interne et la dynamique transfert-contretransfert et les vécus projectifs ? Une psychothérapie en face à face en deux temps, avec un interlude de trente ans m’a montré que l’existence de noyaux de désastre, inclus en chacun de nous, peuvent un jour irradier par effet de résonance avec le monde externe dans des logiques paradoxales ambivalentes aux effets destructeurs exponentiel sur le sujet et sa relation à l’autre.
MOTS-CLÉS – réalité, lieux mémoriels, ambiguïté, honte, destructivité.
Nicole Minazio – Les entraves traumatiques au travail. De deuil et de mémoire
RÉSUMÉ – Comment la défaite intrapsychique et culturelle liée à la destruction des valeurs, des idéaux, au pervertissement du langage agi par le régime nazi, affecte-t-il le travail de deuil et de mémoire au sein des psychés individuelles ? À partir d’une réflexion clinique, nous tentons d’explorer les oscillations entre deuil et mémoire individuels et collectifs dont l’articulation remet au travail les questions du meurtre et de la destructivité aux fondements de la réalité psychique.
MOTS-CLÉS – le mal, mémoire, oubli, transmission, clivage.
Hélène Parat – De l’hypermnésie à la mémoire de l’oubli
RÉSUMÉ – Cet article expose un travail psychanalytique en face à face, qui se fit en plusieurs temps, séparés par plusieurs années. Certains de ces temps se firent dans le cadre alors inhabituel de séances au téléphone, justifiées par un après-coup traumatique, avec plusieurs années de latence. Il permit qu’une hypermnésie défensive, qui palliait les silences et les trous dans l’histoire familiale durablement marquée par la Shoah, cède la place à une mémoire retrouvée dans l’apaisement enfin possible.
MOTS-CLÉS – Shoah, mémoire, oubli, hypermnésie, latence.
Michel Picco – Désolation et devoir de mémoire
RÉSUMÉ – À partir de l’analyse du totalitarisme par H. Arendt, l’auteur s’interroge sur la fonction des groupes et des institutions comme lieux du psychique ainsi que sur leur fonction de protection du narcissisme. Dans certaines situations traumatiques, apparaît un contre-fantasme originaire, le fantasme du zoo, dont la fonction serait de neutraliser le pulsionnel et de répondre à un état de désaide. Se pose enfin la question des analogies possibles de la cure analytique avec ses situations extrêmes.
MOTS-CLÉS – covid, groupe, narcissisme, traumatisme, fantasme du zoo.
Brindusa Orasanu – Croire et ne pas croire à ce qui a eu lieu et non
RÉSUMÉ – L’espace culturel offre des médiations ou des détours nécessaires à la réflexion psychanalytique. À son tour, bien que de manière non symétrique, la clinique psychanalytique peut offrir un espace onirique de pensée des phénomènes culturels, par des équivalences de nature et non pas de degré. Cette extension de la vision freudienne sur la différence de degré et non de nature entre normal et pathologique, qui suggère un principe de continuité, est illustrée par une vignette clinique.
MOTS-CLÉS – scène semi-réelle, équivalences, principe de continuité, épreuve de réalité, fonction paternelle.
Bernard Voizot– Psychanalyse, topique et lieux de mémoire
RÉSUMÉ – Le psychanalyste élabore le cadre de la situation analytique à partir de sa culture, de ses lectures et de ses rencontres. Cela lui permet de contenir la destructivité transmise sur le mode verbal et non verbal dans la topique interactive. Être présent à la vie d’un lieu de mémoire participe aussi à cette construction du méta cadre psychanalytique.
MOTS-CLÉS – mort transmise, topique interactive, cadre psychanalytique, lieu de mémoire.
Évelyne Chauvet – Non-transmission et reniement. L’analyse quand même
RÉSUMÉ – Effets psychiques d’une non-transmission volontaire et imposée, associée à un reniement identitaire. Exemple d’une cure analytique consentie malgré la radicalité de la coupure avec le passé imposée. L’« analyse quand même », conduite sous le signe de la paradoxalité et du négatif, aura permis une reconstruction au moins partielle de l’historique manquant à partir de l’histoire de la cure.
MOTS-CLÉS – non-transmission, dés-historisation, négativation, clivages intergénérationnels, analyse paradoxale.
Isabel Fonseca Wintsch – À la recherche d’un écho perdu
RÉSUMÉ – Le récit que je vous propose s’inscrit dans ma préoccupation éthique, celle de devoir ne pas priver un enfant de la possibilité qu’un processus analytique puisse advenir. Ce qui présuppose la présence d’un analyste qui s’offre à être là, à être utilisé comme tel. L’écoute et l’élaboration contre-transférentielle dans la cure de Maël ont permis de soutenir l’espoir engendré et de déployer un transfert préverbal. En me plaçant « au plus près » de son niveau d’expression et de compréhension, un tissage sonore a donné lieu à une transformation des émois en affects et à la création d’un espace transitionnel.
MOTS-CLÉS – communication primitive, émois, accordage, espace matriciel, espace transitionnel.
Martin Gauthier – Visage et voix dans le traitement de l’enfant
RÉSUMÉ –La fonction sémiotique du visage et de la voix dans le traitement de l’enfant est abordée dans le contexte de traumatismes sévères. Avec Levinas, Winnicott et Laplanche, trois visages complémentaires sont décrits. La remise en branle de la créativité primaire permettant l’après-coup et l’appropriation subjective du traumatisme se heurte à l’emprise du surmoi primitif. Pour Dario, un garçon de 10 ans, la disparition des hallucinations auditives viendra avec l’élaboration des traumatismes vécus.
MOTS-CLÉS – visage, voix, paradoxe, surmoi, créativité primaire.
Béatrice Ithier – Où partent les pleurs des enfants ?
RÉSUMÉ – L’auteure interroge ces situations limites de destruction psychique dans les évolutions pathologiques, liées à la transmission des traumas collectifs, en lien aux traumas initiaux, sous l’auvent de « L’environnement non humain » (Searles). Leurs transformations supposent la foi en une réalité ultime, soit l’une des acceptions de O de Bion, le devenir. Elle s’appuie sur deux exemples : l’un, individuel, l’autre collectif.
MOTS-CLÉS – trauma collectif, trauma individuel, O, foi, devenir, at-one-ment, déni.
Elda Abrevaya – Les traumas collectifs, le lien à l’autre accueillant et le lieu analytique
RÉSUMÉ – L’expérience des traumas collectifs met en évidence qu’il est nécessaire de concevoir l’existence d’une instance collective, culturelle qui est partie constituante de la psyché individuelle. La déchirure du lien à l’autre accueillant entraîne un collapsus de la vie représentative, menant à un désespoir et une solitude extrême.
MOTS-CLÉS – traumas collectifs, instance collective, Autre accueillant.
Olivier Bonard – Entre corps et âme, la métapsychologie fragile et durable
RÉSUMÉ – Les rapports du congrès font appel à certaines notions métapsychologiques personnelles de leurs auteurs. Cette créativité témoigne de la vitalité de la métapsychologie lorsqu’elle est l’écho de la psyché du psychanalyste et de son patient, avec ses élans et ses renoncements. Freud en témoigne régulièrement. Le commentaire s’arrête sur deux points : l’appel à la philosophie dans la métapsychologie et la régulation de la mise en latence par le collectif ; à ces deux points se rencontrent la théorie et sa nécessaire incarnation.
MOTS-CLÉS – topique, doute, latence, shoah, réel.
Florence Deloche-Gaudez – Une psychanalyste à l’écoute des victimes d’attentats : pour quoi faire ?
RÉSUMÉ – L’auteur s’interroge sur la place que peut occuper la psychanalyse dans le cas des attentats qui ont touché la France depuis 2015. Lors des prises en charge immédiates, et ultérieures, une écoute psychanalytique permet de saisir les effets d’après-coup : elle aide la victime à comprendre en quoi l’événement traumatisant collectif peut venir réveiller des éléments de son histoire personnelle. Une telle écoute favorise l’inscription psychique de précédents traumas et aide le sujet à se distancer de ces événements médiatisés.
MOTS-CLÉS – traumatisme, collectif-individuel, attentat, après-coup, inscription psychique.
Diran Donabedian – Le moi dans l’épreuve de traumatismes collectifs
RÉSUMÉ – Le moi n’a pas un lieu topique où le traumatisme peut être hébergé. Le moi individuel lutte et résiste à toute effraction traumatique. En édifiant des défenses anti-traumatiques : déni, clivage, silences creux et pleins. Dans les traumatismes collectifs, la capacité de liaison communautaire et identitaire est nécessaire à la survie de l’espèce au service de la transmission transgénérationnelle et à la mémoire collective.
MOTS-CLÉS – plein-creux (silence anti-traumatique), survivant, identité communautaire, résonance traumatique.
Philippe Jaeger – Mutisme, silence et traumas collectifs
RÉSUMÉ – Certains analysants ont besoin de savoir ce que l’analyste est prêt à entendre. Dire : « Vous ne m’avez jamais parlé de la Shoah » peut contribuer à surmonter l’effroi, l’emprise de « la conspiration du silence » ou le déni en commun. Il est des situations où le silence de l’analyste relève de la déprivation et non de la frustration pulsionnelle. Des artistes et écrivains réussirent à surmonter seuls « la conspiration du silence » et témoigner de l’inimaginable de la Shoah.
MOTS-CLÉS – survivant, silence de l’analyste, analyse de l’analyste, défaillances de l’analyste, espace transitionnel, littérature.
Christina von Braun – La Shoah – un traumatisme collectif. Et la possibilité d’une « croissance post-traumatique »
RÉSUMÉ – Le texte pose la question de savoir à quoi pourrait ressembler un processus de guérison collective après la Shoah. Il compare ce traumatisme à celui de la destruction du Second Temple au premier siècle, qui a entraîné une nouvelle définition de l’appartenance juive. Une réponse possible à la question d’un nouveau processus de guérison pourrait être de transférer le concept de la « croissance post-traumatique » qui est rapporté par les recherches sur le traumatisme individuel des jeunes survivants de la Shoah.
MOTS-CLÉS – diaspora, Shoah, traumatisme collectif, croissance post-traumatique
Katarzyna Walewska – Patients et analystes « dans le même bateau » : traumas collectifs du nazisme et du stalinisme en psychanalyse
RÉSUMÉ – En m’appuyant sur des vignettes cliniques, je présente différentes facettes de la souffrance psychique profonde comme l’angoisse de l’extermination, la phobie catastrophique, la culpabilité excessive, la dégradation morale (introjection inconsciente du personnage de collaborateur-dénonciateur), les traumatismes dus à une domination du principe de réalité sur le principe de plaisir, l’annihilation du respect humain, le syndrome de victime du système. Ces aspects opèrent aussi bien dans la destinée des patients que dans celle de l’analyste.
MOTS-CLÉS – trauma collectif, trauma transgénérationnel, trauma-objet interne, position phobique centrale, syndrome de victime du système.
Julia Kristeva – La psychanalyse est le lieu de la sur-vivance
RÉSUMÉ – Le lieu analytique est un lieu provisoire entre exode et exil avant le retour : on ne quitte pas Jérusalem quand on entre en psychanalyse. Mais surtout, le lieu psychanalytique est une temporalité de la relation transféro-contretransférentielle, celle de la sur-vivance. En définitive il est le lieu de l’écoute de la chair des mots. Cette écoute transforme les traumas en expérience intérieure, une appropriation de la vie jusque dans la mort. Le lieu du combat de l’espèce humaine pour la vie.
MOTS-CLÉS – chair des mots, néoténie, position phobique centrale, sur-vivance.
Françoise Coblence – Atopie et utopie
RÉSUMÉ – L’interrogation sur le lieu psychique fait-elle éclater les topiques ? Dans la continuité des deux rapports, quels remaniements opérer ? Face aux traumatismes collectifs extrêmes, le jeu entre moi et surmoi est-il encore possible ? L’humour en constitue un premier exemple. Mais quelles traces sont gardées et transmises des expériences proprement inassimilables ? Dans quel lieu le sont-elles ? La réflexion sur les « villes refuges » (Levinas) et le Makom introduit pose la question de la place de l’infini.
MOTS-CLÉS – humour, moi, surmoi, lieu, villes-refuges, utopie.
Alain Gibeault – « Ici le temps devient espace ». Réflexions sur l’espace-temps psychique
RÉSUMÉ – Une réflexion sur l’espace-temps psychique suppose de tenir compte du rôle de la temporalité circulaire dans l’expérience de satisfaction et de son refoulement pour la constitution d’une temporalité en spirale corrélative de la création de la topique psychique en espaces différenciés. L’opéra Parsifal de Wagner et le Musée de l’Innocence à Istanbul contribuent à montrer la conception originale et privilégiée du temps dans l’œuvre freudienne, déclinée à partir de la triade intemporalité, temporalité et a-temporalité de l’inconscient.
MOTS-CLÉS – a-temporalité, intemporalité, temporalité, espace psychique, topique psychique.
Alexandro Henrique Paixão – Tranchée et zone grise : paroles spécifiques sur les espaces, lieux et inscriptions mentales dans la clinique psychanalytique
RÉSUMÉ – Cet article combine la littérature de témoignage, la théorie psychanalytique et les expériences du 81e CPLF, pour refléter un cas de disjonction psychique, qui a pris naissance dans le contexte clinique à travers une communication verbale éclatée entre patient et analyste. Par conséquent, un vocabulaire, autour de deux mots spatialement significatifs, tranchée et zone grise, est devenu indispensable pour la survie réelle dans l’expérience clinique.
MOTS-CLÉS – tranchée, zone grise, survie, mot spécifique, disjonction psychique, espace mental.
Georges Pragier – Makom, lieu analytique infini. Shoah, lieu du traumatique
RÉSUMÉ – L’auteur interroge l’utilisation et l’impact des termes bibliques Makom et Shoah. Celui de Makom, exploité par les rapporteurs israéliens pour introduire la notion d’espace analytique infini, est inspiré par la philosophie levinassienne. Dans le rapport d’Eva Weil, le terme de Shoah interrogé pendant une dizaine d’années dans son séminaire sur les traumatismes collectifs a permis, entre autres, l’introduction de la notion d’espace de désaveu pour rendre compte du refus d’entendre ou de dire l’innommable de « ce qui est arrivé ».
MOTS-CLÉS – Makom, Shoah, Blanchot, Levinas, Bashevis Singer, espace de désaveu, espace analytique.
Wilfrid Reid – De l’espace matriciel à l’espace potentiel
RÉSUMÉ – Les notions d’espace matriciel et de responsabilité affectée et asymétrique de responsabilité pour autrui sont partie prenante de l’enjeu de la perte de l’objet primaire, perte dont le destin heureux est l’instauration de l’espace potentiel. L’espace matriciel peut, de fait, être conçu comme la forme inchoative de l’espace potentiel. En parallèle à la traversée de l’espace matriciel à l’espace potentiel, la responsabilité asymétrique pour autrui deviendra la responsabilité de l’analysant pour lui-même.
MOTS-CLÉS – espace matriciel, espace potentiel, espace de responsabilité asymétrique pour autrui.
Rachel Rosenblum – La Shoah, le divan et la crypte
RÉSUMÉ – L’article décrit la transformation du paysage analytique français des années 70, avec l’arrivée sur les divans des rescapés du génocide nazi. Consacré aux rapports de Georges Perec avec l’analyse, il décrit plusieurs tentatives d’aménager la cure-type. Pontalis, Stewart, Torok et Abraham nous aident à réfléchir sur les dangers posés par l’élaboration des traumas massifs et à définir le type de causalité qu’impliquent ces dangers.
MOTS-CLÉS – mourir de dire, années 1970, traumas massifs, crypte, analysabilité (limites).